INTRODUCTION
Très souvent, les projets immobiliers font l’objet d’une vente avant le démarrage ou pendant la phase de construction, ou avant l’achèvement des travaux de transformation et de réhabilitation. Cette situation est commune lorsque les acquéreurs investissent dans des projets immobiliers sur plan dits « clef en main », où le vendeur s’oblige à édifier un immeuble prédéterminé dans un délai fixé par contrat1.
Ces ventes peuvent être conclues comme « Vente à Terme » ou comme « Vente en l’état futur d’achèvement » (« VEFA »), la dernière étant nettement plus fréquente dans la pratique2.
Dans cette contribution, nous nous attèlerons à analyser les principaux aspects de la fiscalité directe et indirecte, du côté du vendeur comme celui de l’acquéreur.
I. LA VENTE EN L’ÉTAT FUTUR D’ACHÈVEMENT (« VEFA »)
L’article 1601-3 du Code civil luxembourgeois définit une VEFA comme suit :
« La vente en l’état futur d’achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que, le cas échéant, la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux ».
A. Impôts directs
1) Du côté du vendeur
Les différentes opérations s’inscrivant dans le cadre d’une VEFA ne sont pas neutres fiscalement pour le vendeur. Le traitement fiscal dépendra du moment de la vente et des différentes étapes de la VEFA, ainsi que le cas échéant de la destination du bien.
a. Le traitement fiscal du contrat de réservation et du dépôt de garantie
L’article 1601-13 du Code civil dispose que les parties peuvent dans le cadre d’une VEFA conclure, avant la vente en tant que telle, un contrat préliminaire par lequel, « en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial ouvert au nom du réservataire, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble. ». Son montant ne saurait dépasser les 2 % du prix prévisionnel.
Le contrat de réservation n’opère aucune translation de propriété et est neutre fiscalement, sauf à considérer un enregistrement au droit fixe de 12 EUR.
À noter aussi qu’en dehors du contrat de réservation, toute autre convention signée avant la passation de l’acte notarié, comme par exemple un compromis de vente, sera frappée de nullité en vertu de l’article 1601-13 alinéa 5 du Code civil. Un montant indûment perçu par le vendeur du chef d’une telle convention illicite sera cependant imposable, l’illégalité n’étant pas corrélative d’une exemption fiscale.
En ce qui concerne le dépôt de garantie versé avec la signature du contrat de réservation, il ne pourra être payé sur un compte du vendeur, mais devra être déposé sur un compte spécial ouvert au nom du réservataire. Les sommes qui constituent ledit dépôt sont alors « indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu’à la conclusion du contrat de vente »3. Ces sommes n’étant pas encore perçues par le vendeur, elles ne constituent pas de revenu imposable pour ce dernier.
En cas de rétractation injustifiée du réservataire du contrat de réservation, le vendeur recevra alors le dépôt de garantie à titre de compensation, qui constituera une recette imposable.
b. L’imposition au moment de la passation de l’acte notarié
En vertu de l’article 1601-9 alinéa 1 du Code civil :
« Dans le cas de vente en l’état futur d’achèvement, le vendeur ne peut exiger ni accepter aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d’effets de commerce avant la signature du contrat, ni avant la date à laquelle la créance est exigible ».
Au moment de la passation de l’acte notarié valant contrat de VEFA, le vendeur percevra donc normalement « le paiement du prix correspondant à la valeur du terrain et des éléments d’équipement existants »4.
Le législateur luxembourgeois a dans ce contexte prévu un dispositif selon lequel : « La part du terrain dans le prix total ne peut dépasser 10 %, sauf si le vendeur justifie d’un prix de revient ou d’une valeur de réalisation supérieurs ».
Au vu des réalités de l’actuel marché de l’immobilier luxembourgeois, la quote-part terrain dépasse en général largement les 10 % qui ont à l’époque été retenus par le législateur, de sorte que déjà le prix de revient sera très souvent nettement supérieur à 10 %.
En même temps, vu la rapide évolution des prix du foncier, même le prix de revient n’est aujourd’hui dans la plupart des cas plus en phase avec l’évolution des prix de marché. Il est donc non seulement admissible mais normal d’appliquer une valorisation de la quote-part du terrain largement supérieure à 10 % du prix de vente, si l’on peut justifier d’un prix de revient ou d’une valeur de marché supérieure.
Le vendeur veillera cependant à disposer d’une documentation adéquate, étayant le prix de vente du foncier, comme notamment une évaluation par un tiers expert indépendant.
Si au moment de la passation de l’acte notarié les travaux de construction sont déjà en cours, la valeur des travaux déjà exécutés fera partie du prix à payer par l’acquéreur à ce moment-là. Cette valeur sera prise en compte TVA comprise, puisque le vendeur ne facturera pas la TVA sur l’existant, sauf application de la TVA par option sur des parties d’un immeuble mixte qui ne sont pas destinées à l’habitation5. Il s’agirait donc d’un revenu pour le vendeur, la TVA en amont faisant, sauf option, partie du prix de revient du vendeur.
S’il devait y avoir surévaluation de la quote-part terrain ou des constructions déjà existantes, il pourrait y avoir violation du 1er alinéa de l’article 1601-9 du Code civil, cela
n’ouvrirait pas voie à une adaptation du prix, mais l’acquéreur pourrait demander au vendeur et le cas échéant au notaire une indemnisation pour le supplément de droits d’enregistrement et de transcription qu’il aurait payés sur la partie surfaite du prix du terrain et dont le remboursement n’aurait pas pu être demandé dans les délais, les demandes de remboursement se prescrivant par deux ans6-7.
Au moment de la passation de l’acte notarié, la quote-part terrain et les ouvrages déjà existants sont donc payés par l’acquéreur au vendeur, ainsi que la quote-part, en principe au prorata des constructions déjà réalisées, des coûts pour les prestations des architectes et des ingénieurs. Ces paiements constituent un revenu imposable pour le vendeur, qui à ce moment-là découvrira notamment la plus-value latente sur le foncier.
Si le vendeur du terrain et le vendeur de la construction sont des personnes différentes, ou si l’acquéreur est déjà propriétaire du terrain, et si les travaux n’ont pas encore été entamés, il est donc possible que le vendeur de la construction ne perçoive, au moment de la passation de l’acte notarié, aucun paiement.
c. L’imposition des versements successifs au cours des travaux
À partir de la passation de l’acte notarié, en vertu de l’article 1601-9 alinéa 3 du Code civil, les différentes tranches de travaux achevées après la date de l’acte seront facturées à l’acquéreur en fonction de l’échéancier prévu dans le même acte, échéancier qui est encadré par la loi :
« Après le début des travaux, les versements afférents à la construction ne deviennent exigibles qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux de façon à ce que les sommes payées correspondent à tout moment à l’importance des travaux réalisés »8.
Ces sommes sont donc perçues de manière fractionnée dans le temps par le vendeur. Le nombre de tranches pourra varier en fonction des caractéristiques du projet (nombre d’étages, notamment), mais devra en tout état de cause respecter les limites fixées par l’article 1601-9 du Code civil. Il est fréquent que les travaux perdurent pendant plus de deux ans, entre le moment de la signature de l’acte de vente et la livraison du bien immobilier.
À titre d’exemple, la chronologie des paiements peut être schématisée comme suit si la vente notariée est passée vers la fin de l’année n, les travaux s’étendent sur les deux années suivantes et la remise des clés est effectuée au début de l’année n+3 :
Ainsi, le vendeur percevra, durant l’année n, au cours de laquelle l’acte de vente a été signé, un premier versement correspondant à la valeur du terrain et des constructions déjà réalisées. Par la suite, durant l’année n+1 il percevra le prix des tranches des travaux qui auront été réalisée entre temps, et ainsi de suite, jusqu’à sa livraison en n+3.
Les versements faits par l’acquéreur au vendeur, correspondant au prix des travaux réalisés, seront imposés dans le chef du vendeur au titre du bénéfice réalisé pendant l’exercice d’exploitation auquel ils sont rattachés respectivement. Il n’y a donc pas imposition de l’intégralité du prix de vente dans l’exercice de la passation de l’acte notarié. L’imposition se fera selon les développements qui suivront ci-après.
d. L’imposition des bénéfices réalisés par le vendeur
i. Le vendeur est une personne morale fiscalement transparente9
D’un point de vue fiscal, les sociétés dites « fiscalement transparentes » ne disposent pas de personnalité juridique distincte de celle de leurs associés. Elles ne sont donc pas soumises en tant que telles à l’Impôt sur le Revenu des Collectivités (« IRC ») sur les bénéfices réalisés.
Ainsi, le bénéfice imposable réalisé sera d’abord déterminé au niveau de ces sociétés « fiscalement transparentes » pour être ensuite réparti entre les différents associés conformément à l’article 57 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (« LIR »),
comme si chaque exploitant exploitait individuellement, le bilan de la société étant l’accumulation des bilans de ses associés (Bilanzbündeltheorie).
Chacun d’eux intégrera au sein de son revenu global imposable la quote-part de bénéfice qui lui revient, et qui conformément à l’article 14 LIR sera considérée comme bénéfice commercial.
En revanche, selon le paragraphe 2 (2) de la loi modifiée concernant l’impôt commercial (Gewerbesteuergesetz) du 1er décembre 1936, le principe de la transparence fiscale ne s’applique pas à l’Impôt Commercial Communal (« ICC »), de sorte qu’une société fiscalement transparente sera soumise à l’ICC au taux variable qui lui sera applicable selon le taux de perception (Hebesatz) de la commune de résidence de la société10.
Le même régime s’appliquera également à un Groupement Européen d’Intérêt Économique ayant son siège et exerçant son activité à Luxembourg11.
ii. Le vendeur est une personne morale fiscalement opaque
Si le vendeur est une société de capitaux, personne morale fiscalement opaque, les plus-values immobilières tout comme les revenus provenant de la réalisation de la construction sont inclus dans sa base imposable pour être soumis à l’IRC et à l’ICC, dont le taux global s’élève actuellement à 24,94 %12.
iii. Le vendeur du terrain faisant l’objet d’une VEFA est une personne physique
Les personnes physiques résidentes au Luxembourg ainsi que les personnes physiques non-résidentes13 qui vendent des terrains situés sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sont soumises au régime fiscal luxembourgeois en tant que résident pleinement imposable (unbeschränkt steuerpflichtig) ou en tant que non-résident avec un assujettissement limité (beschränkt steuerpflichtig).
Dans la pratique, le cas envisagé dans ce paragraphe se présentera comme suit : le terrain est vendu par la personne physique et une société de promotion assurera la commercialisation des constructions à venir. Nous partirons donc du principe que la personne physique ne participera pas à la vente de la construction à réaliser sur le terrain.
Si l’activité de la personne physique doit être considérée comme dépassant le cadre de la gestion de patrimoine privé et donc si les conditions de l’article 14 LIR sont remplies, la plus-value de cession sera soumise à l’imposition en tant que bénéfice commercial. Ceci pourra notamment être le cas s’agissant d’une personne physique réalisant des opérations immobilières régulières, un morcellement ou des ventes de quotes-parts terrain dans une réalisation immobilière à lots multiples.
Si la cession relève de la gestion du patrimoine privé, le vendeur du terrain réalisera un bénéfice de spéculation si la vente a lieu dans la période de deux ans après l’acquisition du terrain. Ce bénéfice de spéculation sera pleinement soumis aux barèmes progressifs des personnes physiques dont le taux marginal peut atteindre actuellement 45,78 %, y compris le fonds pour l’emploi.
En revanche, si la vente a lieu plus de deux ans après l’acquisition du terrain, la personne physique venderesse réalisera une plus-value de cession au sens de l’article 99 ter LIR. Cette plus-value sera imposable selon le régime de faveur du demi-taux global selon un lecture combinée des articles 131, alinéa 1er et 132 LIR.
2) Du côté de l’acquéreur
Au moment de la conclusion d’un contrat de VEFA jusqu’à la livraison du bien immobilier en question, l’acquéreur n’est redevable d’aucun impôt direct.
Si l’acquéreur cède le bien avant l’achèvement, il ne sera néanmoins pas qualifié de vendeur d’immeubles à construire, puisque l’obligation de construire restera avec le vendeur initial de la construction. Il y aura donc d’un côté vente du terrain respectivement de la quote-part terrain et de la construction déjà existante, et de l’autre côté cession du contrat de VEFA en ce qui concerne la partie de la construction encore à réaliser.
Le vendeur sera imposable suivant les mêmes principes énoncés ci-avant soit pour une plus-value de cession, soit pour un bénéfice commercial.
B. Impôts indirects
Selon les termes de l’article 1601-3 du Code civil, en présence d’une VEFA il y a lieu de procéder à la ventilation suivante :
- le terrain et les constructions déjà réalisées constituent des immeubles existants à la date de la passation de l’acte notarié de la VEFA ;
- la livraison des ouvrages restant à réaliser pour achever la construction de l’immeuble correspond à une livraison d’un bien immobilier à venir.
1) Les droits d’enregistrement et de transcription
L’enregistrement des actes représente une formalité administrative effectuée par un Receveur de l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (« AEDT »), après transmission de la documentation par le notaire, afin de porter ces actes au sein d’un registre pu- blic14. Ce processus présente une triple utilité : d’une part pour les tiers qui sont par l’opposabilité de la transcription censés avoir été informés de l’existence de ces transactions, d’autre part, pour l’AEDT qui peut alors prélever les droits d’enregistrement et de transcription sur la transaction concernée, et enfin de conférer une date certaine à cette transaction.
À noter qu’à partir du 1er janvier 2022, sous peine du refus du dépôt, la documentation devra être présentée à l’AEDT par voie électronique15.
Au Luxembourg, la matière est régie par la loi du 22 frimaire an VII16, telle que modifiée.
Les droits d’enregistrement peuvent être répertoriés en deux catégories, les droits fixes17 et les droits proportionnels18. Afin de déterminer les droits applicables à une situation donnée19, il convient d’analyser la transaction en cause afin de lui conférer la qualification juridique adéquate20.
a. Les droits d’enregistrement s’attachant au contrat préliminaire de réservation
Le vendeur professionnel respectivement l’intermédiaire ayant fait la promotion de la vente procédera à l’enregistrement du contrat de réservation qui sera alors soumis à un droit d’enregistrement fixe au montant de 12 EUR. Dans la mesure où il n’y a pas de transfert de propriété à ce stade, aucun droit proportionnel ne s’appliquera.
b. Les droits d’enregistrement et de transcription déclenchés par l’acte notarié de vente
Dans la pratique, les droits d’enregistrement et de transcription sont en général à la charge de l’acquéreur, mais, et même si ce serait inhabituel, il est loisible aux parties de prévoir qu’elles seront à prendre en charge par le vendeur, ou à partager entre les parties.
En tout état de cause, les deux parties ainsi que le notaire sont solidairement responsables pour le paiement des droits d’enregistrement sur l’acte, et en principe le notaire ne passera pas l’acte de vente avant d’avoir reçu une provision suffisante pour couvrir les droits d’enregistrement et de transcription.
Dans une telle situation21, en vertu de l’article X de la loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction,
« Les droits d’enregistrement et de transcription exigibles, d’après les dispositions légales existantes, sur les ventes d’immeubles à construire […] ne seront perçus que sur la valeur du sol et des constructions existantes au moment de la conclusion des contrats ».
Le montant ainsi stipulé dans l’acte de vente des éléments précédemment énumérés sont soumis à un taux global de 7 % se décomposant comme suit : 5 % de droits d’enregistrement + 2/10e de majoration + 1 % de droits de transcription.
Comme nous l’avons vu ci-avant sous A. 1) c., s’il devait y avoir surévaluation de la quote-part terrain ou des constructions déjà existantes au moment de la passation de l’acte notarié, il pourrait y avoir violation du 1er alinéa de l’article 1601-9 du Code civil, et l’acquéreur pourrait alors demander au vendeur et le cas échéant au notaire une indemnisation pour le supplément de droits d’enregistrement et de transcription en résultant et qui n’auraient pas pu être récupérés.
Une sous-évaluation respectivement un défaut de prise en compte d’ouvrages déjà réalisés au moment de la passation de l’acte notarié de la VEFA dans la base d’assiette pour le calcul des droits d’enregistrement et de transcription pourra donner lieu à la perception de droits supplémentaires d’enregistrement et de transcription, voire à un double droit22. La perception de tels droits supplémentaires est sujette à la prescription biennale de l’article 61 de la loi du 22 frimaire An VII.
c. La surtaxe communale des droits d’enregistrement appliquée sur certaines ventes de biens immobiliers sur le territoire de la Ville de Luxembourg et de la commune de Mamer
Lorsqu’un bien immobilier situé à Luxembourg-Ville fait l’objet d’un transfert de propriété, l’opération est soumise à des droits d’enregistrement majorés de 50 %23, ce qui représente une majoration de 3 % de la taxe appliquée sur la base d’assiette imposable à la passation de l’acte notarié. Il en résulte donc un taux global de 10 %.
Toutefois, certains biens sont exonérés de la surtaxe communale.
Il s’agit des transferts de maisons unifamiliales ou de rapport24 ainsi que des terrains situés dans des zones d’habitation et où il est possible de construire immédiatement25.
Le paragraphe 32 de l’ordonnance d’exécution de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs (Bewertungsdurchführungsverordnung, « BewDV ») relatif au paragraphe 52 de la loi modifiée sur l’évaluation des biens et valeurs du 16 octobre 1934 ou Bewertungsgesetz (« BewG ») donne une définition de la maison de rapport (Mietwohngrundstücke) comme étant : « Les terrains dont plus de 80 % sont utilisés à des fins résidentielles, à l’exception des maisons unifamiliales (point 4) »26. Ce seuil sera à mesurer par rapport au loyer annuel brut (« Jahresrohmiete ») tel que défini au paragraphe 34 de la BewDV27. Dans la pratique, le notaire adresse une demande à la Section des évaluations immobilières de l’Administration des Contributions Directes (« ACD ») afin qu’elle émette un certificat confirmant si un immeuble peut endosser la qualification de « maison de rapport », ou non.
Le même paragraphe 32 BewDV poursuit en appréhendant comme il suit la notion des maisons unifamiliales (Einfamilienhäuser) : « Les propriétés résidentielles qui, selon leur conception structurelle, ne contiennent pas plus d’un logement […]. »28.
Le Règlement-taxe de la Ville de Luxembourg dans sa version en vigueur en juillet 2019 prévoit encore les exonérations suivantes :
- Sont exonérées d’une surtaxe égale à 50 % des droits d’enregistrement redus les ventes en état futur d’achèvement dont l’acte notarié définit clairement que l’immeuble à construire est destiné à l’habitation.
- De même, sont exonérées les mutations de terrains à bâtir situés dans une zone d’habitation et sur lesquels il peut être érigé immédiatement une construction en vertu du règlement sur les bâtisses, dans la mesure où l’acquéreur s’engage dans l’acte notarié à y construire dans un délai de cinq ans une maison unifamiliale ou une maison de rapport.
Toutefois, si l’intention de l’acquéreur d’un terrain à bâtir ne résulte pas de l’acte de mutation, la surtaxe est due.
La surtaxe sera remboursée sur demande dans la mesure où, dans un délai de cinq ans, l’acquéreur y construit une maison unifamiliale ou une maison de rapport classée comme telle par la Section des évaluations immobilières de l’ACD.
En cas de mutation d’un immeuble classé à usage commercial, à usage mixte ou à autre usage, la surtaxe sera remboursée à l’acquéreur sur demande si, dans un délai de dix ans, l’immeuble est ensuite classé maison unifamiliale ou maison de rapport par la Section des évaluations immobilières de l’ACD.
À noter que le conseil communal de la commune de Mamer a adopté dans sa séance du 11 décembre 2020 un règlement taxe instaurant une surtaxe communale égale à 50 % des droits d’enregistrement redus sur certaines mutations immobilières. Ce règlement taxe est sensiblement comparable à celui de la Ville de Luxembourg, sauf que les mutations par apport en société y sont spécifiquement mentionnées, et que les délais quinquennaux prévus dans le règlement de la Ville de Luxembourg pour la construction d’un immeuble éligible sont à Mamer réduits à deux ans.
d. L’élection de command
L’achat d’un bien immobilier peut se réaliser via une « déclaration de command ». L’acquéreur apparent (le « commandé ») se réserve la possibilité de nommer une tierce personne en qualité d’acquéreur (le « command »). Une telle opération permet de préserver l’identité de l’acquéreur. En même temps, par rapport aux droits d’enregistrement et de transcription, elle sera considérée comme une transaction unique, ne déclenchant les droits proportionnels sur la vente qu’une seule fois, à condition que l’élection de command soit faite dans les 24 heures à partir de la passation de l’acte notarié de vente.
Les déclarations de command doivent être réalisées devant notaire. « Elles seront inscrites ou mentionnées au pied du procès-verbal d’adjudication, sans qu’il soit besoin de les notifier au receveur de l’enregistrement. Elles seront inscrites ou mentionnées au pied du procès-verbal d’adjudication, sans qu’il soit besoin de les notifier au receveur de l’enregistrement »29.
Il convient de noter que : « Les déclarations ou élections de command d’ami, lorsque la faculté d’élire un command a été réservée dans l’acte d’adjudication ou le contrat de vente et que la déclaration est faite par acte public, et notifiée dans les vingt-quatre heures de l’adjudication ou du contrat. » sont soumises à un droit fixe d’enregistrement de 12 EUR30.
Toutefois, « si la déclaration est faite après les 24 heures de l’adjudication ou du contrat, ou lorsque la faculté d’élire un command n’y a pas été réservée », elle sera alors soumise à des droits proportionnels d’enregistrement à hauteur de 6 %, plus les droits de transcription31.
e. L’acquéreur particulier réalisant l’achat d’un bien immobilier affecté aux fins d’habitation principale
Dans la mesure où les biens immobiliers serviront à des fins d’habitation principale dans le chef de l’acquéreur, celui-ci pourra bénéficier d’un crédit d’impôt de 20.000 EUR, doublé à 40.000 EUR en cas d’imposition collective (le « Crédit d’impôt »).
En effet, le Crédit d’impôt peut être accordé à toute personne physique qui :
- veut acquérir une propriété immobilière à des fins d’habitation personnelle ;
- au moment de la signature de l’acte notarié, est soit :
- résidente au Luxembourg et inscrite au bureau de la population d’une commune ;
- non résidente, mais qui s’engage à s’installer au Luxembourg dans le bien acquis.
L’acquéreur doit s’engager à occuper effectivement et personnellement, en tant que propriétaire, le bien acquis dans un délai de :
- deux ans à compter de la date de l’acte notarié d’acquisition ;
- quatre ans en cas d’acquisition d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble en voie de construction.
En outre, la durée d’occupation de l’habitation, requise pour bénéficier définitivement du Crédit d’impôt est une période continue de deux ans au moins32.
Les dérogations peuvent être accordées par l’administration dans des cas de force majeure ou dans certains cas de figure pouvant servir de motif valable pour le non-respect des obligations décrites ci-avant.
f. Le vendeur ayant initialement réalisé une opération d’acquisition en vue de la revente
Un opérateur comptant réaliser un programme immobilier à commercialiser sous le régime de la VEFA aura le cas échéant acquis le terrain avec une clause de revente.
Sur déclaration de tel promoteur d’acquérir en vue de la revente, dûment reprise dans l’acte notarié, les droits d’enregistrement de 5 % sont majorés de 1 % (c.à.d. 6 %), augmentés de 2/10, soit un montant de 7,2 %. À ce taux s’ajoute le taux de 1 % de droit de transcription, lequel reste inchangé. Il en résulte un taux global de 8,2 %33.
Le promoteur devenu revendeur a alors le droit à un remboursement des droits d’enregistrement à hauteur de 6 % si l’acte de vente est enregistré dans un délai de deux ans et, 4,8 % si l’acte de vente est enregistré pendant une période comprise entre deux ans et quatre ans.
Si l’on part du principe que les droits d’enregistrement et de transcription de la revente seront à la charge de l’acquéreur, par conséquent, les taux des droits d’enregistrement appliqués à cette opération d’achat–revente à charge du revendeur s’élèvent à :
- 1,2 % lorsque la revente a lieu dans les deux ans ;
- 2,4 % lorsque la revente a lieu dans les quatre
En cas d’application de la surtaxe communale de la Ville de Luxembourg ou de la commune de Mamer, celle-ci suivra le sort des droits d’enregistrement et la taxe restant à charge du revendeur après remboursements accordés sera :
- 1,8 % lorsque la revente a lieu dans les deux ans ;
- 3,6 % lorsque la revente a lieu dans les quatre
La demande de remboursement est usuellement faite par l’intermédiaire du notaire actant la revente, et devra être effectuée dans un délai de deux ans à partir de la revente.
À noter que le droit de remboursement est déclenché par chaque opération individuelle de revente en aval, de sorte que dans l’hypothèse de l’acquisition d’un terrain et de la réalisation d’un immeuble à lots multiples, le remboursement devra être demandé dans le délai biennal à compter de chaque revente pour la quote-part correspondante34.
S’il est possible de regrouper la demande de remboursement par rapport à plusieurs reventes distinctes, on ne saurait cependant attendre la revente du dernier lot pour introduire auprès de l’administration une demande unique de remboursement en bloc. En effet, cela signifierait le dépassement du délai biennal pour une partie des reventes ; le droit au remboursement de cette partie des reventes serait alors perdu.
g. Le cas de l’acquéreur cédant avant achèvement son bien acquis sous régime de VEFA
Si l’acquéreur cède le bien avant l’achèvement, il y aura d’un côté vente du terrain respectivement de la quote-part terrain et de la construction existante, et de l’autre côté cession du contrat de VEFA en ce qui concerne la partie de la construction encore à réaliser. Dans ce contexte, seule la vente du terrain (ou quote-part) et de la construction existante, qui devra bien entendu se faire par acte notarié pour pouvoir être transcrite, sera soumise aux droits d’enregistrement et de transcription. Cependant, et hormis le cas d’une dérogation qui serait accordée par l’AEDT, l’acquéreur-revendeur perdrait, le cas échéant, le bénéfice de la faveur fiscale dont question ci-dessus sous e.
2) En matière de TVA
a. Acquisition d’un immeuble ou un lot destiné au logement
En vertu de l’article 44 paragraphe 1, f) de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (« LTVA »),
« 1 Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée dans les limites et sous les conditions à déterminer par règlement grand-ducal :
[…]
f) les livraisons de biens immeubles ainsi que les cessions de droits réels Cette exonération n’est pas applicable aux livraisons résultant d’un contrat de vente d’immeubles à construire, dans la mesure où elles portent sur des constructions non encore existantes au moment de la conclusion du contrat, ni à celles résultant d’un contrat de louage d’ouvrage ou d’industrie ».
Par conséquent, dans le cadre d’une VEFA portant sur un immeuble ou un lot destiné au logement, ce ne sont que les tranches pour les constructions et travaux qui seront facturées après la passation de l’acte notarié qui sont soumises à la TVA.
b. Application d’un taux de TVA super réduit lors de l’acquisition d’un immeuble en VEFA destiné à la résidence principale d’un particulier non assujetti à la TVA
S’il convient de rappeler que selon l’article 39.3 LTVA, le taux normal de TVA au Luxembourg s’élève à 17 %, depuis le 1er janvier 1992, les particuliers peuvent bénéficier d’un taux super-réduit de TVA de 3 %35 sur certains types de travaux réalisés dans un immeuble qu’ils ont acquis en vue de l’affecter aux fins de leur habitation principale.
Ainsi, l’acquéreur d’un logement destiné à sa résidence principale peut bénéficier de l’application du taux super réduit sur les tranches de la VEFA qui lui sont facturées avec application de la TVA après la passation de l’acte notarié.
i. Les conditions d’obtention du taux super-réduit de 3 %
Seul un résident luxembourgeois qui (i) construit ou rénove un logement afin d’en faire sa résidence principale ; ou qui (ii) rénove un logement pour l’affecter à des fins de résidence principale d’un tiers36.
La notion de logement est ainsi définie comme suit :
« … tout immeuble ou partie d’immeuble représentant une unité distincte susceptible d’être habitée à titre principal, y compris les parties communes intérieures qui en sont les accessoires »37.
Le législateur luxembourgeois a pris soin de préciser la notion d’habitation principale :
« Est considérée comme affectation d’un logement à des fins d’habitation principale le fait de mettre un logement au service d’une habitation principale, soit directement dans son propre chef soit indirectement dans le chef d’un tiers »38.
Toutefois, avec certaines limites un assujetti peut affecter le bien immobilier à la fois en tant que résidence principale et à une autre activité :
« L’utilisation simultanée d’un logement à des fins d’habitation principale et à d’autres fins est considérée comme une affectation d’un logement à des fins d’habitation principale, à condition que la surface réservée à l’habitation principale dépasse trois quarts de la surface totale. Lorsque cette surface est inférieure ou égale à ladite proportion, l’affectation n’est effectuée que pour la partie réservée à l’habitation principale »39.
De plus, le bénéfice du taux super-réduit de 3 % est accordé aux travaux de création et aux travaux de rénovation.
- « Par création d’un logement on entend, au sens du présent règlement, les opérations suivantes effectuées dans l’intérêt d’une affectation à des fins d’habitation principale au sens de l’article 3 dans le chef du propriétaire du logement :
-
- la construction d’un logement ;
- la transformation en logement d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble affectés auparavant à d’autres fins ;
- l’agrandissement d’un logement existant ;
- la construction, la transformation ou l’agrandissement de garages et d’emplacements pour voiture attenants ou séparés mais situés à proximité du logement, à condition d’être utilisés avec le logement par le propriétaire du logement »40.
- « Par création d’un logement on entend, au sens du présent règlement, les opérations suivantes effectuées dans l’intérêt d’une affectation à des fins d’habitation principale au sens de l’article 3 dans le chef du propriétaire du logement :
- les travaux substantiels d’amélioration réalisés consécutivement à l’acquisition d’un logement et achevés dans un délai de cinq ans à partir de cette acquisition,
- les travaux substantiels d’amélioration d’un logement dont la construction date de dix ans41 au moins au début desdits travaux, achevés dans un délai de deux ans à partir de leur commencement, à condition :
- qu’ils fassent partie de l’énumération figurant à l’article 5, alinéas 2 et 3, ou
- qu’il s’agisse des travaux suivants : construction ou démolition de murs intérieurs de séparation, percée de nouvelles portes ou fenêtres, murage de portes ou fenêtres existantes »42.
Le taux super-réduit porte donc sur des travaux de construction, transformation ou agrandissement d’un logement jusqu’au niveau du gros œuvre fermé avec stade de finition. Il ne saurait inclure ainsi :
- « les équipements mobiliers à l’exception des poêles de chauffage ;
- la menuiserie intérieure autre que les escaliers, les rampes, les portes et les rebords de fenêtres ;
- les équipements techniques spéciaux, telle qu’une installation d’alarme ;
- l’aménagement des alentours, à l’exception de la voie d’accès direct au logement et au garage ;
- les frais de notaire, d’architecte et d’ingénieur-conseil;
- tous autres éléments qui n’ont pas été énumérés expressément à l’alinéa qui précède. »43.
Le particulier est tenu d’une obligation de détenir pendant plus de deux ans le bien et de l’affecter à des fins d’habitation principale. Si le bien est cédé à titre onéreux, l’acquéreur successif doit continuer à affecter le bien immobilier à cette fin, afin de bénéficier pleinement de cette faveur fiscale. En cas de succession ou de donation entre vifs, les héritiers ou donataires sont tenus de la même obligation44.
ii. Modalités d’application du taux de TVA super-réduit de 3 %
Afin de bénéficier du taux super-réduit de la TVA, il existe deux mécanismes :
L’application directe
Si un agrément de l’AEDT a été obtenu au préalable, en général sur une demande préparée par le vendeur, celui-ci facturera alors ses prestations avec application de la TVA au taux de 3 %. La demande d’agrément doit être signée par le vendeur et contresignée par l’acquéreur, et accompagnée des documents permettant d’identifier le vendeur et l’objet des travaux.
La demande de remboursement par l’acquéreur
À défaut d’une application directe, et dans les limites de l’éligibilité des travaux, l’acquéreur peut faire la demande du remboursement du surplus de TVA payé, qui correspond alors à la différence entre le taux plein à 17 % et le taux super-réduit de 3 %.
Cette demande est à faire auprès de l’AEDT, à condition que chaque demande porte sur un montant global supérieur à 3.000 EUR (hors TVA) et couvre une période minimum de 6 mois, et que chaque facture excède un montant de 1.250 EUR (hors TVA). Doivent être jointes à cette demande les pièces justificatives suivantes : le formulaire relevé des factures, documents d’importation, copie de l’acte notarié, déclaration écrite de l’établisse- ment en tant que résidence principale et un engagement écrit de déclaration auprès des services de l’Administration45. Cette méthode permet notamment de récupérer l’excédent de TVA payée lorsque l’affectation effective du logement n’est pas encore déterminée lors de sa construction ou de sa rénovation.
L’acquéreur doit introduire cette demande endéans un délai de cinq ans.
En tout état de cause, dans les deux cas, la faveur fiscale résultant de l’application du taux super-réduit de 3 % ne peut excéder le montant de 50.000 EUR de TVA par logement créé ou rénové46.
c. Acquisition d’un lot non destiné au logement dans un immeuble mixte
En droit luxembourgeois, dans le cas d’une VEFA portant sur un immeuble mixte, donc un « immeuble à usage d´habitation ou à usage professionnel et d´habitation »47, tous les lots sont soumis au régime VEFA, indépendamment de leur destination individuelle48. Le régime VEFA peut donc s’appliquer à des lots à destination commerciale, artisanale ou de bureaux, qui peuvent le cas échéant faire l’objet d’une exploitation par un assujetti ayant droit à remboursement de la taxe en amont ou d’une location avec application par option de la TVA.
Pour que le vendeur puisse récupérer la TVA en amont sur le coût de la construction, ce qui pourra également avoir un effet sur la fixation du prix de vente, le vendeur et l’acquéreur devront renoncer à l’exonération de la vente en optant pour l’application de la TVA conformément à l’article 45 LTVA et au règlement grand-ducal du 7 mars 1980 déterminant les limites et les conditions de l’exercice du droit d’option pour l’application de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations immobilières, tel que modifié. Il est à souligner que cette option doit être demandée conjointement par le vendeur et l’acquéreur et accordée par l’administration avant l’acquisition ; une option rétroactive n’est pas recevable49.
L’option devra porter sur l’intégralité du prix de vente, donc également la quote-part terrain. Il s’ensuit que la TVA appliquée sur la quote-part terrain sera elle-même soumise à l’application des droits d’enregistrement et de transcription.
À noter que le vendeur prévoyant de vendre un tel bien avec l’application de TVA pourra le cas échéant demander avant la vente et contre une lettre d’engagement le remboursement de la TVA en amont déjà déboursée. Cette TVA en amont devrait le cas échéant être régularisée si la vente ne devait pas se faire avec application de la TVA.
Déductibilité de la TVA en amont par un acquéreur assujetti
i. L’affectation du bien immobilier acquis lors de la VEFA à l’activité soumise à la TVA exercée par l’acquéreur assujetti
Si les parties s’accordent à soumettre la vente à l’option d’application de la TVA, l’acquéreur du bien immobilier objet de la VEFA doit être un assujetti à la TVA ayant une activité qui pour la partie prépondérante lui ouvre droit à déduction de la TVA en amont. En vertu du principe de la neutralité de la TVA50, l’assujetti sera en droit de récupérer la TVA payée en amont, grevant cette VEFA.
Il s’agit de la TVA en amont appliquée sur la vente lors de la passation de l’acte notarié si celui-ci a été soumis à option à la TVA (voir ci-dessus), ainsi que la TVA appliquée sur les tranches de la construction facturées après la passation de l’acte notarié.
Lorsque le bien immobilier dont l’usage est entièrement consacré à l’exercice d’activités pleinement soumises à la TVA par l’acquéreur, la TVA payée en amont est intégrale- ment déductible.
Si tel n’est pas le cas, le droit à déduction par l’acquéreur de la TVA en amont ne sera que partiel, et sera proratisé tel que prévu par les dispositions de l’article 50 LTVA.
En pratique, l’on observe de plus en plus fréquemment que l’AEDT autorise une déduction partielle de la TVA en amont seulement selon la méthode d’affectation réelle selon l’article 51 LTVA.
Par ailleurs, il est à noter que si la déduction de la TVA en amont est l’un des principes fondamentaux permettant d’assurer la neutralité de la TVA, elle peut être remise en cause par le mécanisme de la régularisation prévu à l’article 53 LTVA.
Ainsi, une revente sans application de la TVA pourra déclencher la remise en cause des déductions antérieurement effectuées et partant une régularisation de la TVA en amont.
ii. Option à la TVA en cas de location de l’immeuble acquis lors de la VEFA
Les locations d’immeubles sont par principe exonérées de TVA en vertu des articles 44.1 f et g LTVA.
Par dérogation à ce principe, l’article 45 LTVA prévoit le droit d’option aux assujettis afin de garantir le principe de neutralité de la TVA mis en action par le mécanisme de récupération de la TVA payée en amont.
Dans l’hypothèse où l’acquéreur et propriétaire assujetti à la TVA du bien immobilier acquis sous le régime de la VEFA souhaite mettre en location ledit bien immobilier, il devra, ensemble avec le preneur du bail, exercer l’option à la TVA sur ce bail.
Certaines conditions de fond et de forme sont alors à remplir51.
Les principales conditions de fond à respecter sont les suivantes :
- En cas de location d’immeuble :
- Le bailleur et le locataire doivent être assujettis à la TVA ;
- Destination de l’immeuble : il doit être affecté, par le locataire, entièrement ou une partie prépondérante, à l’exercice d’activités ouvrant droit à la déduction de la TVA en amont ;
- Au cas où un immeuble serait affecté à une activité qui n’ouvre droit qu’à une déduction partielle de la TVA en amont, selon une pratique de l’AEDT, un prorata de déductibilité supérieur à 50 % sera requis pour pouvoir opter à la TVA.
Les principales conditions de forme à respecter sont les suivantes:
- Obligation de présenter une « déclaration d’option » écrite à l’AEDT en bonne et due forme, signée par le bailleur et le preneur ;
- L’application de la TVA est autorisée à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la déclaration d’option a été agréée par l’AEDT, la décision administrative devant intervenir dans le mois de la réception de la déclaration d’option ;
- Une déclaration d’option tardive n’aura pas d’effet rétroactif. Cependant, en cas de tardiveté, le bailleur-propriétaire ne perdra pas l’intégralité de la TVA en amont, mais pourra en principe récupérer la TVA au prorata de la période de régularisation de la TVA52 restant à courir53.
Le propriétaire pourra ainsi déduire la TVA grevant les travaux et constructions pendant la durée de la VEFA dans les mêmes conditions qu’expliquées précédemment en fonction de son prorata de déductibilité ou selon la méthode d’affectation réelle (cf. sous-section i. de la présente section).
Par ailleurs, il est à noter que si la déduction de la TVA en amont est l’un des principes fondamentaux permettant d’assurer la neutralité de la TVA, elle peut être remise en cause par le mécanisme de la régularisation prévu à l’article 53 LTVA.
Ainsi, certains événements déclencheront la remise en cause des déductions antérieurement effectuées et partant une régularisation de la TVA en avant, dont notamment : la perte de qualité d’assujetti (notamment en cas de cessation d’activités ou de changement d’activités) ou une variation du prorata de déductibilité.
Déductibilité de la TVA en amont ayant grevé les travaux de construction par le vendeur assujetti
En cas d’exercice valable de l’option de l’application de la TVA sur la vente, le vendeur pourra récupérer la TVA en amont ayant grevé le coût des travaux déjà engagés pour le projet de construction au moment de la passation de l’acte notarié.
Pour rappel, en ce qui concerne les travaux rentrant dans la facturation des tranches à l’acquéreur après la passation de l’acte notarié, la TVA les ayant grevés sera récupérable pour le vendeur.
iii. Revente du bien acquis lors de la VEFA par l’acquéreur avec option à la TVA
Comme rappelé précédemment, les ventes d’immeubles existants sont par principe exonérées de TVA en vertu de l’article 44.1 f LTVA.
Par exception, une option à la TVA sur la revente du bien acquis lors de la VEFA par l’acquéreur est toujours possible, sous réserve des conditions d’éligibilité (cf. supra).
À noter que dans le cas d’une vente d’un bien soumise à la TVA du fait de l’exercice de l’option à la TVA, il y aura toujours application des droits d’enregistrement proportionnels sur la valeur du terrain respectivement de la quote-part terrain et des constructions existantes.
En effet, le principe de non-cumul des droits d’enregistrement et de la TVA ne s’applique pas pour les ventes immobilières54.
iv. Période de régularisation
En vertu du Règlement grand-ducal du 3 mars 1980 relatif à la régularisation des déductions de la TVA opérées pour les biens d´investissement (le « RGD 1980 »), la TVA en amont qui a été déduite est susceptible de faire l’objet d’une régularisation totale ou partielle lorsqu’au cours d’une période de 10 ans à partir de l’acquisition de modification du droit à déduction intervient par rapport à la première année de cette période55. La régularisation portera alors chaque année sur un dixième de la taxe ; elle est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des neuf années subséquentes par rapport à celui de la première année de la période décennale56.
La période décennale commence à courir le 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’acquisition du bien, l’achèvement de sa construction ou l’achèvement des travaux d’investissement a lieu57.
II. LA VENTE À TERME
La vente à terme étant beaucoup plus rare dans la pratique que la VEFA, nous nous limiterons dans le cadre de la présente étude à passer en revue ses caractéristiques essentielles la différenciant de la VEFA. L’article 1601-2 du Code civil dispose que :
« La vente à terme est le contrat par lequel le vendeur s’engage à livrer l’immeuble à son achèvement, l’acheteur s’engage à en prendre livraison et à en payer le prix à la date de livraison. Le transfert de propriété s’opère de plein droit par la constatation par acte authentique de l’achèvement de l’immeuble ; il produit ses effets rétroactivement au jour de la vente ».
Contrairement à la VEFA, dans le cadre d’une vente à terme le transfert de propriété de la quote-part terrain et des constructions existantes ne s’opère pas moment de la conclusion du contrat de vente, mais au moment de la constatation par acte notarié de l’achèvement des travaux58.
L’article 1601-8 du Code civil poursuit en précisant que l’acte notarié constatant la vente à terme sera transcrit dans les délais légaux au bureau de la conservation des hypothèques du lieu de ressort où est situé ledit bien immobilier.
Tout paiement des travaux avant la constatation de leur réalisation est exclu. Seules peuvent être prévues dans le contrat de vente à terme des clauses stipulant que l’acquéreur procèdera à des dépôts de garantie sur un compte spécial ouvert au nom de l’acquéreur par un établissement bancaire, à mesure de l’avancement des travaux59, et sans dépasser les pourcentages prévus à l’article 1601-9 du Code civil60.
A. Impôts directs
Dans le cadre d’une vente à terme, le transfert de propriété est opéré au moment de la constatation de l’achèvement des travaux. Partant, il n’y aura pas d’imposition d’un revenu au moment de la conclusion de l’acte notarié, mais constituera un revenu imposable pour le vendeur le prix alors perçu à la passation de l’acte notarié constatant l’achèvement de l’immeuble61.
B. Impôts indirects
1) Les droits d’enregistrement et de transcription
Au moment de la passation de l’acte notarié constatant l’achèvement, seront exigibles les droits d’enregistrement et de transcription, ainsi que le cas échéant la surtaxe communale de la Ville de Luxembourg ou de la commune de Mamer, grevant la transaction immobilière en cause.
Cependant, ces droits ne seront perçus que sur la valeur du sol et des constructions existantes au moment de la conclusion du contrat de vente à terme, de sorte que les constructions réalisées après la passation de l’acte notarié de vente à terme ne seront pas grevées des droits d’enregistrement et de transcription62.
2) En matière de TVA
Les parties peuvent décider de soumettre la vente à terme du bien immobilier à la TVA sur option en ce qui concerne les parties déjà existantes au moment de la conclusion de l’acte notarié de vente à terme.
Comme il a été rappelé précédemment, le principe de non-cumul de la TVA et des droits d’enregistrement ne s’applique pas en matière immobilière. Ainsi, quand bien même que l’opération soit soumise à la TVA sur option, les parties devront alors se libérer des droits d’enregistement proportionnels sur l’existant, y compris la TVA.
Les travaux effectués après la conclusion de l’acte notarié de vente à terme seront d’office, et sans qu’il n’y ait nécessité de recourir à une déclaration d’option, à soumettre à l’application de la TVA au moment de la passation de l’acte notarié constatant l’achèvement.
L’acquéreur pourra déduire la TVA en amont en fonction de son droit à déduction, et le vendeur pourra récupérer la TVA en amont ayant grevé la réalisation du projet de construction.
Comme il a déjà été exposé, le vendeur pourra demander pendant la phase de construction et avant l’acte constatation de l’achèvement et moyennant une lettre d’engagement, le remboursement de la TVA en amont déjà déboursée.
Mario DI STEFANO, Managing Partner – Avocat à la Cour, Head of Real Estate and Head of Tax
Alex PHAM, Partner Tax – Avocat à la Cour
- Cf. art. 1601-1 du Code civil.
- Par rapport au cadre général du régime de la vente d’immeubles à construire voir Di Stefano, « Le régime de la vente d’immeubles à construire », RLDI, n° 10, 2021.
- Art. 1601-11 Cc., al. 3.
- Art. 1601-9 Cc, al. 2.
- Cf. supra, c. « Acquisition d’un lot non destiné au logement dans un im- meuble mixte »
- Trib. arr. Diekirch, 14 décembre 2010, n° 14020 du rôle.
- Une surévaluation de la quote-part terrain peut également être passible des sanctions pénales de l’article VII. al. 1er, de la Loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction ; voir R. Grasso, « Les sanctions pénales en matière de vente d’immeubles à construire », RLDI, n° 10, 2021.
- Mis en gras par les auteurs.
- Art. 175 LIR et § 11bis de la Loi d’adaptation fiscale (Steueranpassungs- gesetz) qui énumèrent les sociétés transparentes fiscalement : société en nom collectif (SENC), société en commandite simple (SCS), les groupe- ments d’intérêt économique, les groupements européens d’intérêt écono- mique et les sociétés civiles (SC).
- À titre indicatif, l’ICC s’élève actuellement à 75 % pour la ville de Luxembourg et à 8,25 % pour la ville Esch-sur-Alzette.
- Circulaire du Directeur des contributions LIR, n° 116 du 3 février 1989.
- Pour une société ayant son siège social situé sur le territoire de la Ville de Luxembourg
- Sous réserves de dispositions spécifiques prévues par la convention fiscale conclue entre le Luxembourg et le pays de résidence.
- Loi du 25 septembre 1905 sur la transcription des droits réels immobiliers, telle que modifiée, Mém. A/J.O.G.D.L. n° 63 du 28 octobre 1905.
- Art. 3 de la Loi du 8 juillet 2021 portant introduction de l’obligation d’ef- fectuer par voie électronique le dépôt de documents soumis à la formalité de l’enregistrement et de la transcription auprès de l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA.
- Correspondant au 12 décembre 1798.
- De manière générale, les transactions qui ne sont pas soumises à un droit proportionnel d’enregistrement, sont alors grevées d’un droit fixe dont le montant oscille entre EUR 12 et EUR 75, à l’instar de l’enregistrement de la promesse de vente enregistrée qui est soumise à un droit fixe d’EUR 12.
- Art 1, II, de la Loi du 22 frimaire an VII (12 décembre 1798) sur l’enregistrement.
- Les actes devant faire l’objet d’un enregistrement auprès du Receveur sont expressément énumérés dans ladite loi, à défaut les parties ne sont pas tenues de cette formalité mais peuvent s’y soumettre volontairement.
- Les contribuables ne peuvent pas avoir recours à un montage artificiel avec pour seul et unique objectif d’éluder les droits d’enregistrement : Jugement civil, n° 44/84 (III), 15 mars 1984, n° 21346, 21735 et 22798 du rôle.
- Art. X. de la Loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction.
- Art. 1 de la Loi modifiée du 28 janvier 1948 tendant à assurer la juste et exacte perception des droits d’enregistrement et de succession telle que modifiée.
- Art. 1, Chapitre A-5 : Surtaxe communale sur les droits d’enregistrement, Règlement – Taxe de la Ville de Luxembourg de mars 2021.
- Art. 2, Chapitre A-5: Surtaxe communale sur les droits d’enregistrement, Règlement – Taxe de la Ville de Luxembourg de mars 2021.
- Art. 3, Chapitre A-5: Surtaxe communale sur les droits d’enregistrement, Règlement – Taxe de la Ville de Luxembourg de mars 2021.
- « Grundstücke die zu mehr als 80 von 100 zu Wohnzwecken dienen, mit Ausnahme der Einfamilienhäuser (Ziffer 4) ».
- 32 (2) BewDV: „Die Frage, ob die im Absatz I Ziffern 1 bis 3 bezeichneten Grenzen erreicht sind, ist nach dem Verhältnis der Jahresrohmiete (§34) zu beurteilen.“.
- « Wohngrundstücke, die nach ihrer baulichen Gestaltung nicht mehr als eine Wohnung enthalten […] ».
- Art 844 Nouveau Code de procédure civile.
- Art 68, §1, 24°, de la Loi sur l’enregistrement du 22 Frimaire An VII.
- Chap. Ier— Droits d’enregistrement Loi du 23 décembre 1913 – révision de la législation qui régit les impôts dont le recouvrement est attribué à l’AED.
- Chapitre 2 : Droits d’enregistrement et de transcription pour l’acquisition d’habitations personnelles, de la Loi du 30 juillet 2002 – mesures fiscales – encourager la mise sur le marché et l’acquisition de terrains à bâtir et d’immeubles d’habitation.
- Art. 37, Chapitre 1er, IX, 2° de la Loi du 7 août 1920 portant majoration des droits d’enregistrement, de timbre, de succession, etc.
- Art. LXI de la Loi du 22 frimaire an VII.
- Art 39, al. 3, troisième phrase de la LTVA.
- Art 65bis et Annexe B, 22° de la LTVA et article 3 du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 concernant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée à l’affectation d’un logement à des fins d’habitation principale et aux travaux de création et de rénovation effectués dans l’intérêt de logements affectés à des fins d’habitation principale et fixant les conditions et modalités d’exécution y relatives.
- Art 4, al. 1, du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art 3 du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art 4, al. 2, du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art. 1er (2) du Règlement grand-ducal du 19 décembre 2014 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 30 juillet 2002.
- Avant le 1er janvier 2021, le logement devait être construit depuis plus de 20 ans, article 1er du Règlement grand-ducal du 19 décembre 2020 modi- fiant le Règlement grand-ducal modifié du 30 juillet 2002.
- Art. 1er (3) du Règlement grand-ducal du 19 décembre 2014 modifiant le règlement grand-ducal modifié du 30 juillet 2002.
- Art. 5, al. 2, du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art. 13 du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art. 7, al. 2, du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- Art. 3, al. 4, du Règlement grand-ducal du 7 avril 2005 portant modifica- tion du Règlement grand-ducal du 30 juillet 2002.
- À l’exception des situations où les locaux d’habitation sont seulement un accessoire des locaux à usage professionnel, comme par exemple le loge- ment d’un concierge, art. 1601 – 4, al. 2, du Code civil.
- Art. 1601-4, al. 1er, du Code civil.
- Cf. CJCE, arrêt État du grand-duché de Luxembourg c. Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg Sàrl, 9 septembre 2004, C-269/03 ; CA Luxembourg, 28 juin 2006, n° 27905 du rôle ; et plus récemment principe repris dans l’Arrêt CJUE, Dávid Vámos c. Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbvi- teli Igazgatósága, 17 mai 2018, C-566/16.
- Art. 48 de la LTVA.
- Cf. Règlement grand-ducal du 7 mars 1980 – limites et conditions de l’exercice du droit d’option pour l’application de la TVA aux opérations im- mobilières, Mém. A/J.O.G.D.L. n° 16 du 26 mars 1980.
- Cf. infra sous iv.
- Cf. CJCE, arrêt Administration de l’enregistrement et des domaines et État du grand-duché de Luxembourg c. Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg Sàrl, 9 septembre 2004, C-269/03.
- Art. 1 de la Loi du 24 décembre 1969 tendant à éviter la perception cumu- lative du droit d’enregistrement et de la taxe sur la valeur ajoutée.
- Art. 3, § 1, al. 1er du RGD 1980.
- Art. 3, § 2, du RGD 1980.
- Art. 3, § 1, al. 2, du RGD 1980.
- Art. 1601-7 du Code civil.
- Art. 1601-10 du Code civil.
- Art. 1601-9 du Code civil.
- Cf. supra A, 1), d., ii.
- Art. X. de la Loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction.