En dépit des sommes considérables sur lesquelles peuvent porter les compromis de vente immobilière, nombreux sont ceux qui estiment pouvoir se passer de l’avis d’un avocat expert en la matière.
Tel pari, qui frôle l’insouciance, peut toutefois coûter très cher.
En particulier, notre expérience montre presque quotidiennement que les parties à une vente immobilière ne prêtent généralement pas une attention suffisante à la rédaction des compromis et notamment des clauses suspensives (exemples : obtention d’un financement, obtention d’une autorisation de bâtir, …), de sorte qu’elles finissent – sans s’en rendre compte – prisonnières de leur compromis pour une durée indéterminée.
En effet, conformément à l’article 1176 du Code civil :
« Lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. S’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas ».
Par conséquent, l’acte notarié de vente ne pouvant en principe être passé qu’après la réalisation des conditions suspensives (hors cas de renonciation à ces dernières), si le compromis ne prévoit pas de date limite pour pareille réalisation, les parties pourront rester « coincées » des années durant sans pouvoir passer devant notaire, et donc pour le vendeur, sans pouvoir être payé, et en même temps sans pouvoir en sortir.
Tel que nous l’enseignent le Code civil et la jurisprudence, la partie ainsi lésée ne pourra se défaire du compromis qu’une fois qu’il sera certain que les conditions y stipulées ne seront jamais remplies.
Alors, comment prouver qu’un évènement n’arrivera jamais ?
En ce sens, un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2009 (n°20/09) nous enseigne en substance qu’il n’est notamment pas suffisant de constater en l’absence de délai fixé pour la réalisation des conditions suspensives qu’un acquéreur n’a pas fait de démarches suffisantes pendant près de deux ans en vue de leur réalisation pour prononcer la résolution d’un compromis. Au contraire, il faut suivant la Cour de cassation impérativement constater que celles-ci ne pourront plus jamais être réalisées.
A moins d’une faillite de l’acquéreur en cas de condition d’obtention d’un financement, ou de reclassement d’un terrain rendant impossible la réalisation du projet envisagé, la tâche peut s’avérer très compliquée.
Ainsi, si l’on ne veut pas se retrouver dans une situation où l’on ne pourra pas percevoir le prix d’une vente escomptée avant des années, mieux vaut-il prévoir ab initio des dates butoirs pour la réalisation des conditions suspensives.
En revanche, si l’on est acquéreur et que l’on souhaite « bloquer » à son profit une vente pour une durée indéterminée, il peut être intéressant d’exclure toute limitation temporelle… mais il faudra à ce moment-là songer à maintenir une couverture financière suffisante pour pouvoir honorer ses engagements en cas de réalisation de la condition suspensive.
En conclusion, l’unique certitude est que chaque compromis doit impérativement être rédigé « sur-mesure » et que chaque point pouvant sembler un détail peut en réalité s’avérer lourd de conséquences.
Par Me Vanessa LOMORO, Counsel – Avocat à la Cour.
Article issu de la rubrique Droit & Conseil Juridique – NEOMAG 41.