AGEFI Luxembourg, le journal financier de Luxembourg, a publié un article dans son édition de juillet / août 2020 intitulé « Les étapes de négociation d’un plan social »

 

Les étapes de négociation d’un plan social

 

1. Introduction

Nous vivons une crise sans précédent, et l’une des craintes du marché est un ralentissement économique plus que passager, menant à une réduction substantielle de l’emploi sur la Place de Luxembourg. Dans ce contexte, les licenciements collectifs et partant le nombre de négociations de plans sociaux pourrait connaître une augmentation substantielle.

2. Conditions d’application – le licenciement collectif

Un employeur est soumis à l’obligation de négocier en vue de la conclusion d’un plan social s’il veut procéder à un licenciement collectif (Art. L. 166-2 du Code du travail).

Un licenciement collectif est donné lorsqu’un employeur procède à des licenciements pour des motifs économiques, non inhérents à la personne des salariés, et lorsque le nombre de licenciements envisagés est de :

  • Plus de 6 salariés sur une période de 30 jours ou,
  • Plus de 14 salariés sur une période de 90 jours.

Les cessations de contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur sont assimilées aux licenciements si les licenciements proprement dits sont au moins au nombre de quatre. La loi ne prévoit pas d’interdiction d’étaler des licenciements dans le temps et d’éviter ainsi le déclenchement d’un licenciement collectif.

Il est à noter que ces délais ne se rapportent pas à des mois de calendrier, mais à des délais comptés par jours.

La qualification de licenciement collectif n’est pas écartée en cas de faillite ou liquidation de l’employeur, l’employeur faisant l’objet d’une telle action judiciaire ayant l’obligation d’informer l’Agence pour le développement de l’Emploi (ADEM), qui informe l’Inspection du travail et des Mines (ITM).

Finalement, pour l’employeur qui fait partie d’un groupe de sociétés en sus des licenciements qui lui sont propres, des licenciements par une autre entreprise du groupe avec laquelle il se trouve dans une unité économique et sociale pourront être pris en compte pour la computation du seuil légal.

3. Information et invitation aux négociations

Si le nombre de licenciements envisagés dépasse l’un de ces seuils, l’employeur devra en informer au préalable et par écrit les représentants du personnel, et en adresser copie de cette information à l’ADEM, qui en transmet copie à l’ITM.

Il a l’obligation d’inviter les représentants des salariés, à savoir les délégués du personnel pour les entreprises employant au moins 15 salariés, et, lorsque l’entreprise est liée par une convention collective, les organisations syndicales parties à cette convention. Une entreprise qui n’aura pas respecté l’obligation de faire élire une délégation du personnel ne pourra pas effectuer de licenciement collectif aussi longtemps que la délégation du personnel n’aura pas été mise en place.

4. La protection contre le licenciement pendant les négociations

Pendant ces négociations, les salariés sont protégés contre un licenciement économique et ne peuvent pas être convoqués à un entretien préalable. Cette protection existe dès le début des négociations et jusqu’à la signature d’un plan social, sinon l’établissement du procès-verbal constatant l’échec de la conciliation devant l’Office national de conciliation. Le salarié qui se voit adresser un licenciement économique pendant cette période pourra agir en nullité de ce licenciement, ou réclamer l’indemnité de départ et de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de travail.

5. Le déroulement des négociations

Les négociations devront avoir comme but d’établir un plan social.

Comme nous le verrons ci-après, il n’y a cependant pas d’obligation de résultat.

Communication des renseignements utiles

De préférence avant le début des négociations, mais au plus tard au début des dites négociations, l’employeur est tenu de fournir par écrit tous les renseignements utiles aux représentants du personnel, et notamment les motifs du projet de licenciement collectif, les nombres et les catégories des salariés affectés, les nombres et les catégories de salariés habituellement employés, la période sur laquelle il est envisagé de procéder aux licenciements, les critères pour le choix des salariés licenciés, la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité volontaire éventuelle, ou à défaut, les raisons justifiant le refus d’une telle indemnité. Une copie de cette communication est à transmettre à l’ADEM, qui en transmet copie à l’ITM.

Les deux pôles de négociation

L’article L. 166-2 (2) du Code du travail prévoit deux pôles de négociation. Les négociations devront porter en premier lieu, et sous peine de nullité (i) sur les possibilités de réduire le nombre de licenciements envisagés, par différents moyens, tel que le chômage partiel, les possibilités d’aménagement de la durée de travail, les réductions temporaires de la durée de travail, les formations et reconversions, les préretraites et le prêt temporaire de main d’œuvre et (ii) les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement, comme par exemple les aides au reclassement, la reconversion des salariés licenciés et les possibilités d’une réinsertion dans le marché du travail (Art. L. 166-2 (2) alinéas 1 respectivement 2 du Code du travail).

Ensuite, les négociations porteront sur la mise en place d’éventuelles mesures de compensation financière des salariés dont le licenciement ne pourra pas être évité.

En général, l’employeur établira un budget qui tiendra compte d’un côté des obligations légales (préavis, indemnités de départ, congés non pris, etc.), et ensuite d’une enveloppe d’indemnité et d’aides volontaires, enveloppe qui pourra être répartie en fonction d’un certain nombre de critères de mérite et d’ordre social, comme l’ancienneté, l’âge, les personnes à charge, etc. Au vu du fait que chaque entreprise est différente, cette répartition devra se faire au cas par cas, en tenant compte de la répartition de ces critères sur le personnel.

Souvent, une partie du budget est affectée à un fonds destiné à des salariés rencontrant des difficultés particulières à retrouver un emploi.

Le plan social n’est cependant pas un moyen d’attribuer des avantages à un groupe de salariés au détriment des droits attribués par la loi, une convention collective ou le contrat de travail à d’autres salariés, ces droits devant être respectés en tout état de cause.

Dans la pratique, il n’y aura pas de phasage contraignant entre ces différents éléments de négociation, qui pourront être abordés en parallèle, en tenant compte des priorités précitées.

Le premier « round » de négociation

Les négociations auront lieu en principe dans les locaux de l’employeur, qui devra mettre à disposition l’infrastructure nécessaire, et permettre l’information régulière des salariés par la délégation du personnel et le cas échéant les syndicats impliqués, notamment dans des réunions ad hoc.

La plupart du temps, les employeurs sont accompagnés par des conseillers juridiques internes et/ ou externes ; les représentants des salariés par des délégués syndicaux ou des conseillers juridiques externes.

Les négociations dureront au maximum quinze jours, avec deux résultats possibles :

  • Accord sur un plan social: une convention est signée qui documentera l’accord des parties ; ou
  • Echec des négociations: un procès-verbal est dressé et documentera l’attitude motivée des parties.

Dans les deux cas, le document signé par les parties est transmis à l’ADEM, qui en transmet copie à l’ITM.

En cas d’échec des négociations, les parties devront, sous peine de forclusion, saisir conjointement l’Office national de conciliation (O.N.C.) dans les trois jours à compter de la signature du procès-verbal. Le Président de l’O.N.C. convoquera les membres de la commission paritaire dans les deux jours et une première séance se tiendra dans les trois jours de la convocation.

La procédure de conciliation

Les négociations reprendront donc dans le cadre de la procédure de conciliation auprès de de l’O.N.C., qui durera un maximum de quinze jours à compter de la première séance. A l’issue, le résultat sera documenté dans un procès-verbal, qui documentera soit l’accord trouvé, soit l’impossibilité de s’accorder.

Si aucun accord n’est trouvé, un constat de non-conciliation sera établi devant l’O.N.C., et les salariés et les syndicats seront en mesure d’organiser des mesures de lutte salariale comme par exemple des grèves.

VI. Mise en œuvre du plan social

A la fin de la procédure, que celle-ci se solde par un accord ou par un échec, l’employeur retrouve son droit de licencier.

À noter que le délai de préavis sera d’au moins soixante-quinze jours, sans préjudice d’éventuels délais plus longs prévus par les dispositions légales ou conventionnelles. Ce délai peut être prolongé ou réduit par le Ministre du travail. Ces aménagements ne s’appliquent pas aux licenciements collectifs intervenant dans le cadre d’une cessation des activités résultant d’une décision de justice.

Même si les résultats des négociations sont consignés dans un plan social, l’employeur veillera à conclure avec chacun des salariés licenciés une transaction individuelle qui reprendra les conditions du plan social spécifiquement applicable à ce salarié, et fixera définitivement l’accord entre le salarié et l’employeur.

VII. Le plan de maintien dans l’emploi

Un employeur qui occupe au moins quinze salariés doit notifier tout licenciement pour des raisons non inhérentes à la personne du salarié et donc tout licenciement économique au Comité de Conjoncture, afin de lui permettre de suivre les licenciements économiques (Art. L. 511-27 du Code du travail).

Cette notification se fait au plus tard au moment où l’employeur notifie le préavis de licenciement. La notification peut se faire par voie électronique.

L’employeur sera invité à mener des négociations en vue d’aboutir à un plan de maintien dans l’emploi avec la délégation du personnel et les syndicats. Diverses mesures pour maintenir l’emploi devront être abordées, la loi fixant une liste de sujets obligatoires (Art. L. 513-4 du Code du travail).

L’employeur n’est pas tenu d’accepter les mesures proposées, et en l’absence d’accord, un rapport écrit reprenant le contenu et les conclusions des discussions, sera dressé.

Ce plan de maintien dans l’emploi n’a pas de force juridique particulière, mais pourra faire l’objet d’une homologation par le Ministre de l’emploi, ce qui ouvre un droit à l’employeur de toucher certaines aides et avantages.

Si toutefois la situation financière de l’entreprise l’exige, l’employeur pourra prononcer des licenciements et ce pendant ou après les négociations.

Les entreprises disposant d’un plan de maintien dans l’emploi homologué par le Ministre du travail au cours des six mois précédant le début des négociations pour un plan social sont dispensées de l’obligation prévue au premier alinéa du paragraphe (2) de l’article L. 166-2 du Code du travail (voir ci-dessus).


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