Le présent article rappelle de manière synthétique certaines règles du droit immobilier parmi les plus importantes en pratique.
Que le contrat porte sur la construction, la vente ou la rénovation d’un immeuble, différents points clés doivent être observés :
- L’obligation de renseignement et de conseil des professionnels
La jurisprudence considère que « l’obligation de conseil est imposée au professionnel à raison de ses connaissances et de l’ignorance de son cocontractant ». Dès lors, tout professionnel, notamment en matière de construction ou de vente, doit fournir à ses clients toutes les informations nécessaires pour permettre à ceux-ci de se décider à conclure ou non le contrat envisagé en toute connaissance de cause.
Cette obligation existe dès la période précontractuelle, est concrétisée lors de la conclusion du contrat et subsiste tout au long de l’exécution des contrats.
- L’autorisation de construire
Selon l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, telle que modifiée, toute construction, transformation ou démolition d’un bâtiment est soumise à l’autorisation du bourgmestre.
La demande d’autorisation de bâtir est à adresser à l’administration communale sur le territoire de laquelle se trouve l’immeuble respectivement le terrain en question.
L’octroi de l’autorisation dépend d’un certain nombre de conditions qu’on trouve dans le plan d’aménagement général (PAG) respectivement le règlement sur les bâtisses de la commune de la situation, ainsi que le plan d’aménagement particulier (PAP) des lieux, s’il en existe un.
Cette demande d’autorisation doit comporter des renseignements sur le propriétaire ainsi que sur la situation exacte du terrain et doit également décrire les travaux envisagés. Elle doit être accompagnée des plans et calculs concernant les aspects techniques, environnementaux et économiques, qui sont à établir en conformité avec la réglementation applicable.
À noter que certaines prérogatives peuvent varier en fonction de la situation de l’immeuble, et le cas échéant des plans directeurs sectoriels.
Il est donc conseillé de prendre attache avec le service technique de la commune pour déterminer avec précision le cadre légal et réglementaire à respecter dans le cas concret.
À noter que l’obtention de l’autorisation de construire ne préjudicie pas des autres autorisations nécessaires pour les travaux envisagés, comme notamment en matière d’établissements classés, environnementale, gestion des eaux, voirie, patrimoine architectural (« sites et monuments ») et archéologie.
- Le certificat de performance énergétique
Depuis 2007, à la suite de la directive européenne 2002/91/CE concernant la performance énergétique des bâtiments et sa transposition en droit luxembourgeois, l’établissement d’un certificat de performance énergétique (CPE ou passeport énergétique) est notamment exigé pour toute nouvelle construction ou modification d’un immeuble d’habitation ou fonctionnel existant nécessitant une autorisation de construire, ainsi que pour toute vente ou mise en location d’un immeuble d’habitation ou fonctionnel existant.
Les certificats de performance énergétiques ont une durée de validité de 10 ans.
À noter que depuis peu, la matière est régie par le règlement grand-ducal du 9 juin 2021 concernant la performance énergétique des bâtiments, modifié par le règlement grand-ducal du 30 juin 2022.
La vente d’immeubles à construire
La vente d’immeubles à construire peut prendre deux formes : d’une part la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et d’autre part la vente à terme (VAT).
La VAT est celle par laquelle le vendeur s’engage à livrer l’immeuble à son achèvement à un acheteur qui s’engage quant à lui à en prendre livraison et à en payer le prix à cette date. Pour des raisons économiques, la VAT est très peu utilisée en pratique, de sorte que le présent guide se focalisera sur les règles applicables à la VEFA et les garanties octroyées aux acquéreurs.
Le régime légal décrit ci-après s’applique aux immeubles d’habitation, ainsi qu’aux immeubles mixtes comprenant des unités d’habitation à construire respectivement à achever après la conclusion du contrat. Dans le cas d’un immeuble mixte, le régime légal s’appliquera à l’intégralité des lots, indépendamment de leur destination individuelle.
L’application du régime VEFA est d’ordre public et il ne peut y être dérogé même avec l’accord de l’acquéreur.
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Définition et champ d’application de la VEFA
L’article 1601-3 du Code civil définit la VEFA comme « le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que, le cas échéant, la propriété des constructions existantes » et dans le cadre duquel « les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution », l’acquéreur étant en contrepartie « tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux ».
Dans le cadre d’une VEFA, le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux. C’est lui qui choisit l’architecte, les entrepreneurs, techniciens du bâtiment et qui contracte directement avec eux pour l’exécution des travaux et leur réception.
Il s’engage vis-à-vis de l’acquéreur à achever l’immeuble suivant les modalités et dans les délais fixés au contrat.
La détermination du délai de livraison constitue une clause essentielle du contrat de vente d’un immeuble à construire afin de protéger l’acquéreur.
L’absence d’indication d’un délai de livraison entraîne la nullité du contrat.
L’indication du délai de livraison peut être approximative (indication du trimestre au cours duquel aura lieu la livraison).
Plusieurs éléments clés de l’acquisition en VEFA méritent d’être développés :
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Le contrat préliminaire
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Le contrat de réservation : seul contrat préliminaire valable
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L’article 1601-13 du Code civil prévoit que les VEFA peuvent être précédées d’un type unique de contrat préliminaire, à savoir le contrat de réservation. Par ce contrat, le vendeur (réservant) s’engage à réserver à un acheteur (réservataire) un immeuble ou une partie d’immeuble en contrepartie – en principe – d’un dépôt de garantie. La conclusion de tout autre type de contrat préliminaire comme d’un compromis de vente est nul en présence d’une VEFA, étant précisé qu’il s’agit d’une nullité relative que seul l’acquéreur (réservataire) peut invoquer.
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Le contenu du contrat de réservation
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Le contrat de réservation doit contenir les mentions obligatoires prévues à l’article 1601-13 du Code civil telles que, les parties au contrat, la consistance de l’immeuble et du local réservé, la situation de l’immeuble, la qualité de la construction, les délais d’exécution des travaux, le prix du local réservé, etc.
À défaut de contenir toutes les informations exigées par la loi, l’acquéreur-réservataire pourrait faire valoir la nullité du contrat de réservation.
Il en va de même si le vendeur-réservant met à charge de l’acquéreur-réservataire des obligations non prévues par la loi, telles que par exemple une clause pénale autre que la perte du dépôt de garantie qui aurait vocation à s’appliquer en cas de non-passation de l’acte notarié de vente.
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Les obligations des parties découlant du contrat de réservation
- Pour le réservataire :
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Il a pour seule obligation de verser le dépôt de garantie si cela est effectivement prévu au contrat de réservation, et dont le montant demandé ne peut dépasser 2 % du prix de vente prévisionnel. Attention : le vendeur-réservant ne peut pas encaisser lui-même ce dépôt de garantie, qui peut uniquement être versé sur un compte spécial ouvert au nom du réservataire.
Le réservataire n’est pas obligé d’acquérir l’immeuble ou la partie d’immeuble qu’il a préalablement réservé. En effet, selon la jurisprudence, « le contrat préliminaire de réservation a pour spécificité que le réservataire, à la différence du réservant, ne contracte pas d’obligation de conclure la vente de l’immeuble ». Il peut, en effet, renoncer à l’acquisition à tout moment avant la signature de l’acte notarié, auquel cas il perdra cependant en principe son dépôt de garantie.
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- Pour le réservant :
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Le contrat de réservation n’oblige pas le vendeur-réservant à réaliser le projet de construction ; le contrat préliminaire a notamment pour but de déterminer s’il est réellement opportun de réaliser le projet, et le vendeur ne va en général pas réaliser le projet ou entamer la construction s’il n’a pas un nombre de réservations suffisant. Cependant, s’il réalise le projet, il est lié par le contrat de réservation et il ne pourra pas proposer cet immeuble ou cette partie d’immeuble à d’autres acquéreurs potentiels.
Si le contrat préliminaire fait mention d’engagements fermes et définitifs, et notamment s’il est conclu après le début des travaux, une obligation de construire pourra en être déduite. Dès lors, si le réservant s’est engagé par rapport au réservataire à procéder à la construction de l’immeuble pour un prix déterminé, son obligation s’analyse en une promesse de vente ferme et irrévocable. Aux termes de l’article 1601-13 du Code civil, s’il ne construit pas ou pas dans le délai stipulé dans le contrat préliminaire, le réservant risque de devoir indemniser le réservataire pour le préjudice subi.
Suivant l’article 1184 du Code civil, l’acquéreur a le droit, soit de forcer le vendeur-réservant négligent d’exécuter son obligation, soit de demander la résolution en justice avec dommages et intérêts. Le vendeur-réservant ne sera pas responsable s’il prouve une cause étrangère ayant les caractères d’une force majeure. La force majeure ne peut résulter que d’un événement indépendant de la volonté humaine et qui n’était pas à prévoir.
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Le contrat de VEFA (acte notarié)
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Forme du contrat
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Le contrat constatant une VEFA doit, sous peine de nullité, être conclu sous forme d’acte notarié.
L’article 1601-5 du Code civil prévoit que le contrat de VEFA ne pourra pas être conclu avant l’obtention de toutes les autorisations administratives, c’est-à-dire, autorisation de bâtir, permission de voirie, autorisation en matière de la protection de la nature et des ressources naturelles, etc.
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Les mentions et annexes obligatoires de l’acte de vente
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Il y a trois types de mentions obligatoires, celles énumérées à l’article 1601-5 du Code civil, celles obligatoires pour le domaine protégé et les annexes.
Conformément à l’article 1601-5 du Code civil, l’acte notarié de VEFA doit impérativement mentionner : l’identité du propriétaire du terrain et des constructions, la date de la délivrance des autorisations administratives et les conditions dans lesquelles elles sont affectées, la description de l’immeuble ou la partie de l’immeuble vendu et le degré d’achèvement convenu, son prix et les modalités de paiement de celui-ci, le délai de livraison, la garantie d’achèvement complet de l’immeuble le cas échéant transformable en la garantie de remboursement des versements effectués en conformité avec le contrat, l’indication si le prix de vente est ou non révisable et, dans l’affirmative, les modalités de sa révision. De même, l’article précité prévoit que doivent obligatoirement être annexés à l’acte notarié : les plans de construction comprenant au moins les plans des façades, les plans des différents niveaux et un plan-coupe de l’immeuble avec les cotes utiles et l’indication des surfaces de chacune des pièces et dégagements, la notice descriptive indiquant la consistance et les caractéristiques techniques de l’immeuble ainsi que la nature et la qualité des matériaux, la situation du logement dans l’immeuble et s’il s’agit d’une copropriété, le règlement de copropriété, les éléments d’équipements, la liste détaillée des équipements collectifs et leurs conditions d’utilisation, les travaux à effectuer et les éléments d’équipements à installer. Si des mentions ou annexes obligatoires font défaut, l’acquéreur peut faire valoir la nullité de l’acte notarié tant que les travaux ne sont pas achevés, à l’exception de la nullité pour défaut d’autorisation administrative qui ne pourra être invoquée que tant que l’administration pourra faire valoir le défaut d’autorisation.
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Le paiement du prix
Une des caractéristiques principales de la VEFA est le paiement échelonné du prix, en fonction du progrès des travaux.
Tout d’abord, lors de la passation de l’acte notarié, l’acquéreur paiera le terrain respectivement la quote-part terrain, la quote-part dans les frais d’architecte et d’ingénieur, ainsi que le prix des constructions éventuellement déjà réalisées. Le dépôt de garantie sera alors versé au vendeur et imputé sur le prix de la vente. Comme pour une vente immobilière simple, l’acquéreur paiera sur la quote-part terrain et l’existant les droits d’enregistrement et de transcription, et éventuellement, pour les immeubles situés sur le territoire de la Ville de Luxembourg ou de la commune de Mamer, la surtaxe communale (voir infra). Ensuite, l’acquéreur doit effectuer des versements par tranches au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Les versements sont ainsi plafonnés en fonction des étapes d’avancement des travaux, tel que fixé dans l’acte notarié. Le Code civil prévoit un cadre pour cet échelonnement, qui pourra cependant varier en fonction des caractéristiques de l’immeuble.
Ces tranches seront soumises à l’application de la TVA au taux actuel de 16 %, qui devrait repasser au taux de 17 % à partir de 2024. Cependant, lorsqu’il s’agit de la création ou la rénovation de logements occupés par le propriétaire lui-même, un taux de 3 % pourra être appliqué, cette faveur étant cependant limitée à un montant maximal de 50.000 € de TVA.
Pour les surfaces commerciales ou de bureaux, la TVA payée par l’acquéreur peut être récupérable à condition d’exercer dans ces locaux une activité ouvrant droit à la déduction de la TVA en amont et d’opter au préalable pour l’application de la TVA sur la vente (voir infra les commentaires par rapport à la vente simple).
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La garantie d’achèvement et la garantie de remboursement
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L’application des garanties
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L’article 1601-5 du Code civil impose au vendeur de la VEFA de fournir à l’acquéreur soit une garantie d’achèvement complet de l’immeuble, soit une garantie de remboursement des paiements effectués par l’acquéreur en cas de résolution du contrat de VEFA en raison du défaut du vendeur d’achever la construction. Le plus souvent le vendeur proposera une garantie d’achèvement qu’il pourra transformer en garantie de remboursement. La garantie d’achèvement se transforme d’office en garantie de remboursement en cas d’impossibilité matérielle ou juridique de la réalisation du projet.
Dans les copropriétés, la garantie d’achèvement couvre les parties privatives, ainsi que les parties communes. Il faut toutefois être attentif aux conditions de la garantie fournie et vérifier l’étendue de la couverture offerte, alors que celles-ci excluent par exemple généralement le remboursement du prix payé pour la quote-part terrain en cas de remboursement.
La garantie d’achèvement n’est pas obligatoire dans les cas suivants :
- Les constructions réalisées directement par l’État, les communes, les établissements publics et les sociétés dans lesquelles ces collectivités possèdent une participation majoritaire ;
- Les maisons à appartements multiples acquises par un propriétaire unique.
Contrairement à une croyance assez répandue, la vente en VEFA d’une maison unifamiliale n’est pas exemptée de l’obligation de fournir une garantie d’achèvement.
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Le constat d’achèvement
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Les garanties prennent fin lors de l’achèvement de la construction, à savoir, conformément à l’article 1601-6 du Code civil, au moment où les travaux de construction ont atteint un avancement tel que sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement indispensables à son utilisation conformément à sa destination. Pour un immeuble d’habitation, le critère est l’habitabilité, il doit être équipé de tous les éléments nécessaires à cette fin (eau, électricité, chauffage, sanitaire).
En principe, l’achèvement est constaté d’un commun accord entre parties dans le cadre d’un procès-verbal d’achèvement. S’il y a désaccord entre parties, un homme de l’art constatera l’achèvement, qui sera désigné au vœu de l’article 1601-7 du Code civil soit par les parties, soit à la requête de toutes les parties, sinon de la partie la plus diligente, par ordonnance du président du tribunal d’arrondissement du lieu de l’immeuble.
Les malfaçons et les défauts de conformité par rapport au contrat ne sont pas pris en considération s’agissant de l’achèvement de l’immeuble, tant qu’ils n’ont pas un caractère substantiel et ne rendent pas l’ouvrage impropre à son utilisation.
Il faut effectuer une différenciation entre vice et défaut de conformité :
- Le vice : le bien promis est atteint d’une anomalie, une défectuosité intrinsèque suffisamment importante ;
- Le défaut de conformité : inadéquation entre ce qui est prévu au contrat et la chose qui est réalisée/livrée (ex. : différence de couleur entre le carrelage prévu et le carrelage réellement posé).
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La réception des travaux
La réception des travaux est un acte par lequel l’acquéreur accepte et atteste la fin des travaux. Il constate la conformité des travaux et leur exécution afin de faire courir les délais de garantie.
La réception est idéalement réalisée par l’établissement d’un procès-verbal. Elle peut être également tacite, c’est-à-dire qu’elle émane de la manifestation d’une volonté non équivoque de l’acquéreur de recevoir l’ouvrage.
Les tribunaux ont tendance à faire coïncider la date de la réception tacite avec la date d’achèvement convenue entre les parties.
L’acquéreur a un mois pour faire un état complet des lieux et dénoncer au vendeur les défauts de conformité et les vices apparents. Les vices apparents sont ceux visibles par un acheteur non professionnel. Les vices cachés sont par définition invisibles, suivant leur nature, ils font alors l’objet des garanties biennale ou décennale.
La garantie décennale (à ne pas confondre avec une assurance décennale) couvre les vices affectant le gros ouvrage, c’est-à-dire tous ceux mettant en péril la stabilité ou l’étanchéité de l’immeuble mais aussi ceux qui le rendent impropre à sa destination.
La garantie biennale est appliquée pour les vices affectant les menus ouvrages, c’est-à-dire les ouvrages dont le renouvellement serait admissible au titre de l’entretien ou de la simple remise à neuf, sans destruction.
La jurisprudence retient les indices suivants dans le cas d’une réception tacite :
- La prise de possession de l’immeuble à partir du moment où les travaux de construction indispensables à l’utilisation de l’ouvrage sont achevés ;
- Le paiement complet des travaux ;
- L’absence de protestation ; la circonstance de faire travailler d’autres corps de métier au parachèvement de l’ouvrage notamment ;
- À noter que lorsqu’une réception « provisoire » est prévue, souvent, celle-ci constituera la réception au sens légal faisant démarrer les délais de garantie ; il conviendra au cas par cas de vérifier la mécanique prévue par le contrat ;
- Le procès-verbal de réception peut aussi contenir des réserves concernant certains ouvrages ; cela a pour effet de retarder le point de départ des garanties pour les ouvrages visés par ces réserves si elles sont levées ; en revanche les vices qui font l’objet de réserves lors de la réception et qui ne sont pas levées ne sont pas soumis aux garanties décennale ou biennale, mais à la prescription de droit commun – en général, la prescription commerciale de 10 ans – non pas à partir de la réception, mais à partir de la connaissance du vice, qui sera à ce moment-là située en amont de la réception ;
- Le maître de l’ouvrage a l’obligation de recevoir les travaux et, s’il s’y refuse sans motif valable, l’entrepreneur peut l’y contraindre par une action en justice.
La construction ou la rénovation d’un bien immobilier
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Caractéristiques et formation du contrat d’entreprise
En dehors de l’application du régime VEFA, où le propriétaire garde les pouvoirs de maître de l’ouvrage, le contrat de construction ou de rénovation consistera en un contrat d’entreprise.
Le contrat d’entreprise est défini par la jurisprudence comme « une convention par laquelle une personne s’oblige à l’égard d’une autre, en contrepartie d’un prix et sans lien de subordination, à réaliser, mettre en œuvre, modifier ou réparer, sur le site, un bâtiment, un ouvrage ou partie d’un ouvrage quelconque ». Dans ce cas, le constructeur est soumis aux directives d’un donneur d’ordre, le maître de l’ouvrage, qui va gérer l’entièreté du projet.
Si dans ce contexte la loi laisse une certaine liberté contractuelle aux parties, il est recommandé de prévoir toutes les modalités présentant un intérêt pour les parties, comme notamment un cahier des charges précis, le délai d’exécution des travaux, les pénalités en cas de retard, etc.
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Forme du contrat d’entreprise
Le contrat d’entreprise peut être conclu sous plusieurs formes.
Il faut distinguer ici la nature du marché : le prix est indicatif si c’est un « marché sur devis », le prix est fixe si c’est un « marché à forfait ».
Parfois, le choix se porte sur une combinaison des deux, avec une partie du chantier à prix fixe, et une partie sur devis.
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Contrat sur devis
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Les parties fixent les prix unitaires des matériaux et de la main-d’œuvre mais laissent les quantités à exécuter indéterminées, quitte à établir une fourchette prévisible. Le prix définitif ne sera déterminé qu’à l’achèvement des travaux sur base d’un métré exact en fonction des quantités et matériaux réellement utilisés. Le professionnel de la construction doit toutefois sur demande indiquer le coût probable des prestations qu’il est amené à faire réaliser.
Le budget d’une construction est souvent approximatif. Même s’il est de principe que le devis ne comporte qu’une estimation, il constitue cependant un élément de référence. Dès lors, si le maître de l’ouvrage supporte en principe les risques de l’augmentation des quantités nécessaires pour la réalisation complète de l’ouvrage, la marge d’erreur admissible comporte toutefois des limites. En effet, un dépassement considérable du devis place le professionnel en faute et peut engager sa responsabilité. La sanction du dépassement consiste soit à laisser à la charge de l’entrepreneur tout ou partie du montant qui dépasse les prévisions, soit octroyer au maître de l’ouvrage des dommages et intérêts. À titre indicatif, il est généralement admis par la jurisprudence que, sauf suppléments commandés par le maître de l’ouvrage, un dépassement de devis de 10 % par rapport au prix final est admissible.
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Marché à forfait
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Le marché à forfait se caractérise par un prix global ferme, fixé dès l’origine, pour des travaux dont la nature et la consistance sont clairement définies. Les conséquences d’un marché à forfait sont notamment que le constructeur assume les risques liés aux plans, à l’augmentation du prix des matériaux et de la main-d’œuvre au moment de l’exécution du travail, ainsi que les risques liés à ses propres évaluations concernant l’importance du travail. Les aléas anormaux, extraordinaires et imprévisibles ne sont pas pris en compte.
Aux termes de l’article 1793 du Code civil, l’entrepreneur ne peut réclamer le paiement d’un montant supérieur à celui qui avait été fixé pour des changements que dans l’unique hypothèse où le maître de l’ouvrage accepte par écrit la réalisation de ces modifications ainsi que le prix y attaché.
Cependant, des travaux supplémentaires sont également susceptibles de faire l’objet d’une facturation supplémentaires si ceux-ci n’étaient pas à l’origine inclus dans le forfait.
Le marché à forfait est caractérisé par différentes conditions :
- Une description précise des travaux ;
- Un prix déterminé avec précision (la seule indication d’un prix unitaire ou du prix des travaux par rapport à la qualité des matériaux envisagée, sans que soit précisé le prix définitif, est insuffisant).
À noter qu’en vertu de l’article 1794 du Code civil et sauf limitation de ce droit dans le contrat, le maître de l’ouvrage peut résilier unilatéralement tout ou partie du marché à forfait, voir ci-après sous « fin du contrat d’entreprise ».
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Contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée ou encore de « project management»
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Si la prestation consiste en une assistance du maître de l’ouvrage dans la réalisation du projet mais que le prestataire ne réalise pas lui-même tout ou partie des travaux ou agit en tant qu’entreprise générale, et que les différentes entreprises contractent directement avec le maître de l’ouvrage, on parlera d’un contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée ou encore de project management, sachant que les définitions et la portée exacte du contrat peuvent varier en fonction de ses stipulations.
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Les obligations des parties
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Pour l’entrepreneur
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Les constructeurs et autres artisans ou prestataires doivent respecter diverses obligations telles que l’obligation de renseignement et de conseil, de réaliser un ouvrage/des travaux conforme(s) et exempt(s) de vice, de respecter le cas échéant le délai d’exécution et le prix convenus, ainsi qu’une obligation de sécurité.
À défaut de respecter ces obligations, l’intervenant pourra engager sa responsabilité envers le maître de l’ouvrage.
Les entrepreneurs, architectes et autres personnes qui interviennent pour le maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage dans le cadre de la réalisation de l’ouvrage sont soumis à la garantie décennale des vices de la construction et des matériaux pendant 10 ans pour les gros ouvrages et pendant 2 ans pour les menus ouvrages. Comme il a déjà été énoncé, ces délais courent à partir de la réception de l’ouvrage. Les vices et défauts qui ont été réservés lors de la réception sont cependant soumis à la prescription de droit commun, qui en matière commerciale sera de 10 années, ledit délai courant non pas à partir de la réception, mais à partir de la connaissance du vice.
L’entrepreneur doit se renseigner sur la nature du sol et aviser le maître de l’ouvrage s’il constate des conditions remettant en cause la réalisation ou la méthodologie d’exécution du projet.
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Pour le maître de l’ouvrage
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Le maître de l’ouvrage doit respecter plusieurs obligations. Tout d’abord, il doit permettre l’exécution de l’ouvrage. Ensuite, le maître de l’ouvrage a pour obligation d’assurer la réception de l’ouvrage. Enfin, il est tenu de payer le prix convenu, le cas échéant suivant un échéancier fixé d’avance.
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La fin du contrat d’entreprise
Le contrat d’entreprise prendra fin dès lors que son exécution sera complètement achevée.
Par ailleurs, conformément à l’article 1794 du Code civil, lorsqu’il s’agit d’un marché à forfait, le contrat peut être résilié ou son envergure réduite unilatéralement sans motifs par le maître de l’ouvrage même après le début des travaux, en dédommageant l’entrepreneur pour ses dépenses et les travaux déjà effectués, ainsi que de son manque à gagner. Vu que ce manque à gagner est souvent difficile à prouver, il sera souvent fixé dans le contrat à un pourcentage forfaitaire du montant des travaux restant à effectuer.
La vente simple d’un bien immobilier
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La formation du contrat de vente
Aux termes de l’article 1582 du Code civil, la vente est une convention dans laquelle une partie s’oblige à livrer une chose et l’autre partie à la payer.
Aux termes de l’article 1583 du Code civil, la vente devient parfaite dès lors que les parties ont convenu de la chose et du prix, même si la chose n’a pas encore été livrée et payée.
La loi n’exige pas une forme précise du contrat de vente. Il peut être oral ou écrit (compromis de vente). Cependant, en matière civile, toute vente dont la somme ou la valeur dépasse le montant de 2.500 € devra pour des questions de preuve être constatée par écrit, en autant d’exemplaires que de parties et avec la mention du nombre d’exemplaires signés. Même en matière commerciale, où par principe la preuve est libre, il sera difficile de faire admettre une vente immobilière sans un écrit probant.
Pour être valable et à l’abri du doute, le compromis devra mentionner les noms et les adresses des parties, la désignation cadastrale de l’immeuble en vente, ainsi que le prix de vente et les modalités de paiement. Il pourra en plus prévoir par exemple le nom du notaire par-devant lequel l’acte notarié devra ensuite être passé, la durée de validité du compromis, une clause suspensive, une clause pénale, etc.
Usuellement, le compromis est assorti d’une clause suspensive de financement ; l’enregistrement du compromis sera alors soumis au droit fixe de 12 € ; à défaut d’une clause suspensive, l’enregistrement du compromis (qui est obligatoire) déclenchera l’application du droit variable, qui avec les droits de transcription atteindra 7 % du prix, respectivement 10 % sur le territoire de la Ville de Luxembourg ou de la commune de Mamer en raison de la surtaxe communale qui y est applicable.
Par la suite, la signature d’un acte notarié est nécessaire afin de pouvoir transcrire la vente au bureau des hypothèques et ainsi la rendre opposable aux tiers.
Le compromis de vente vaut vente contrairement au contrat de réservation. Dès le compromis et la levée des conditions suspensives, les parties sont en principe liées par la vente car elles ont trouvé un accord sur la chose et sur le prix.
Le compromis de vente n’est pas un préliminaire obligatoire à l’acte notarié, toutefois, il est très important dans la pratique car il permet à l’acheteur potentiel d’obtenir une option sur l’immeuble. Par cet acte, il démontre sa volonté d’acheter le bien, et le compromis lui servira le cas échéant pour compléter son dossier de financement.
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Le transfert de propriété
Le transfert de propriété intervient en principe dès que les parties ont trouvé un accord sur la chose et sur le prix. Le transfert de propriété s’effectue donc en principe même si le prix n’a pas encore été payé par l’acquéreur et que celui-ci n’est pas encore entré en possession de l’immeuble.
Ce principe n’est toutefois pas d’ordre public, et il peut être prévu que le transfert de propriété s’effectue à un autre moment. En pratique, il est conseillé de retarder le transfert de propriété jusqu’au paiement du prix (clause de réserve de propriété).
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Les obligations des parties
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Les obligations du vendeur
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Le vendeur a une obligation d’information envers l’acheteur, il doit l’informer de tous éléments dont il a connaissance ou dont il est censé avoir connaissance qui pourraient intéresser l’acquéreur. En particulier, d’après la jurisprudence, il doit mettre en avant « les éléments caractérisant le bien, sa situation, l’existence de charges comme les servitudes administratives ou privées, les sources souterraines, les matériaux de construction par exemple ». Le vendeur doit aussi indiquer les vices cachés dont il a connaissance.
En cas de vices cachés, le vendeur engage sa responsabilité. Dans ce cas, le régime de droit commun des vices cachés s’applique, l’acquéreur aura le droit soit de rendre l’immeuble et être remboursé (action rédhibitoire), soit de demander une diminution du prix après une expertise (action estimatoire). L’acquéreur aura un délai d’un an après avoir dénoncé le vice caché de la chose au vendeur pour agir.
Par ailleurs, le vendeur a une obligation de délivrance. Il doit remettre à l’acquéreur la chose qui a été vendue, conforme à ce qui avait été prévu dans les éléments du contrat. Il doit dans ce contexte remettre aussi les clés et titres de propriété de l’immeuble à l’acquéreur. Dans le cas où le vendeur ne s’exécute pas, l’acquéreur peut demander soit la résiliation de la vente avec allocation de dommages intérêts (en général le compromis contiendra une clause pénale), soit son exécution forcée.
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Les obligations de l’acquéreur
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L’obligation essentielle de l’acquéreur est de payer le prix de la chose qu’il a achetée. Le prix de vente devra être payé au jour et suivant les modalités définies par le compromis, soit en général à la passation de l’acte notarié. À défaut de paiement, le vendeur pourra ne pas lui livrer la chose et demander la résolution de la vente. Il jouira par ailleurs du privilège du vendeur lui donnant un droit de préférence vis-à-vis de toutes autres créances sur le bien vendu aussi longtemps que le prix de vente n’aura pas été intégralement payé.
QUESTIONS PRATIQUES :
- Qui doit supporter les frais de la vente ?
Il est généralement prévu que l’acquéreur devra supporter les différents frais et taxes de l’acquisition (droits d’enregistrement et de transcription). Le taux normal des droits (hors frais de l’acte notarié proprement dit) s’élève à 7 %, dont 6 % représentant les droits d’enregistrement et 1 % représentant les droits de transcription. Sur les ventes d’immeubles sur le territoire de la Ville de Luxembourg ainsi que sur le territoire de la commune de Mamer, une surtaxe communale sera appliquée qui est égale à 50 % des droits d’enregistrement (mais pas de transcription) redus. Les maisons unifamiliales et les immeubles définis comme étant « de rapport » par la législation fiscale sont exonérés de la surtaxe communale, tout comme, sous certaines conditions, les terrains à bâtir sur lesquels seront érigés dans un délai déterminé une/des maisons unifamiliales ou des immeubles « de rapport ».
L’acheteur a la faculté de déclarer dans l’acte de vente qu’il achète l’immeuble en vue de la revente ; il paiera alors un supplément de droits d’enregistrement de 1,2 %, mais pourra récupérer 6 % des droits d’enregistrement en cas de revente dans les deux années et 4,8 % en cas de vente dans les quatre années. Si elle est applicable, la surtaxe communale suivra le sort des droits d’enregistrement. À noter que la demande de remboursement doit être faite dans les deux ans à partir de la revente.
L’acquéreur profitera d’un abattement spécial pour l’achat d’un bien immobilier destiné à l’habitation personnelle. Ce crédit d’impôt est régi par la loi modifiée du 30 juillet 2002 déterminant différentes mesures fiscales destinées à encourager la mise sur le marché et l’acquisition de terrains à bâtir et d’immeubles d’habitation. Ce crédit d’impôt, qui depuis le 7 mars 2023 est de 30.000 €, est offert pour chaque acquéreur. Il peut être épuisé en une seule fois ou au fur et à mesure dans le cas où les droits d’enregistrement et de transcription n’atteignent pas le seuil du crédit d’impôt.
- Est-ce que je dois/peux payer de la TVA sur la vente ?
Par principe, les ventes immobilières sont exonérées de la TVA. Cependant, les parties peuvent opter pour l’application de la TVA (Art. 45 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et règlement grand-ducal du 7 mars 1980 déterminant les limites et les conditions de l’exercice du droit d’option pour l’application de la TVA aux opérations immobilières). Cette option sera en principe choisie si le vendeur pourra ainsi récupérer de la TVA en amont sur l’acquisition ou les travaux de construction, et que l’acquéreur en fera un usage ouvrant droit à la déduction de la TVA en amont, respectivement donnera le bien en bail avec application d’une option TVA. Ce régime devra en principe être maintenu pendant 10 ans ; à défaut, la TVA sera à régulariser au prorata du temps restant à courir sur cette période de régularisation. La demande d’option TVA doit impérativement être introduite et approuvée par l’administration avant la vente, respectivement avant le début de la location. Une demande tardive ne pourra avoir aucun effet rétroactif, de sorte qu’en cas de vente, la TVA ne pourra pas s’appliquer et qu’en cas de location, la TVA ne sera récupérable qu’au prorata du délai de régularisation encore à courir.
- Dans quel délai dois-je dénoncer un vice caché au vendeur ?
Dans le cadre de la vente simple, les vices cachés sont en principe garantis pendant 30 ans, ou pendant 10 ans en matière commerciale ; ils doivent cependant être dénoncés au vendeur dans un bref délai à partir de leur constat ou du moment où l’acquéreur aurait dû les constater. À défaut, l’acquéreur est déchu de son droit de se prévaloir du vice. L’acquéreur doit ensuite, sous peine de déchéance, entamer une action judiciaire dans le délai d’une année, délai qui peut être interrompu par des pourparlers avec le vendeur ou une assignation en référé. Un nouveau délai d’un an prendra cours après notification par le vendeur d’une rupture des pourparlers ou la clôture de l’instruction judiciaire.
- Les entreprises peuvent-elles me demander des acomptes sur travaux ou matériaux ?
Les entreprises liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage peuvent demander des acomptes sur travaux ou matériaux. Lors de la négociation du contrat, il est cependant dans l’intérêt du maître de l’ouvrage de se voir facturer ses prestations au fur et à mesure de l’avancement des travaux pour éviter la perte de ces acomptes en cas de faillite de l’entreprise. Si néanmoins des avances substantielles devaient être convenues, le maître d’ouvrage a intérêt à obtenir une garantie respectivement une garantie d’achèvement d’une banque ou d’une assurance.
- Un sous-traitant de l’entreprise avec laquelle le maître de l’ouvrage a contracté lui demande un paiement direct, le maître d’ouvrage doit-il ou peut-il payer ce sous-traitant ?
Les sous-traitants de l’entrepreneur ou de l’artisan n’ont pas de relation contractuelle avec le maître de l’ouvrage, et ne peuvent lui demander aucun paiement direct, sauf en cas d’agrément du sous-traitant par le maître de l’ouvrage conformément à la loi du 23 juillet 1991 ayant pour objet de réglementer les activités de sous-traitance, ce qui dans les marchés privés est assez rare dans la pratique. Cependant, en cas de difficultés de l’entreprise principale et jusqu’à l’achèvement des travaux, le maître de l’ouvrage a la faculté d’agréer le sous-traitant, indépendamment de l’accord de l’entreprise principale.
Article rédigé par le département Droit Immobilier et Droit de la Construction de l’étude DSM Avocats à la Cour dans le Guide Construire et Rénover 2023-2024.
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