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Partie 1 : Note à l’attention des promoteurs soucieux de limiter le risque de condamnation pénale

Bien qu’ayant déjà abordé dans de précédents articles la question des sanctions pénales attachées au non-respect de la législation applicable aux VEFA, il me semble que certaines précisions méritent d’être apportées.

Comme le savent les personnes qui s’intéressent à la matière, l’article 1601-9 du Code civil prévoit en son alinéa 3 qu’en matière de VEFA :

« Après le début des travaux, les versements afférents à la construction ne deviennent exigibles qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux de façon à ce que les sommes payées correspondent à tout moment à l’importance des travaux réalisés ».

Cet alinéa précise ainsi « à tout moment ». Pas « en principe », pas « des fois », pas « lorsque cela est possible », mais bien « à tout moment ».

À cela l’alinéa 4 du prédit article ajoute que :

« En aucun cas les paiements pour les constructions ne peuvent dépasser:

15% du prix total des constructions à l’achèvement des fondations à l’exception de celles relatives aux garages et autres dépendances séparés de l’immeuble principal;

1 quote-part proportionnelle au nombre des dalles à fournir entre les fondations et la toiture avec un maximum de 50% du prix total à l’achèvement de la dalle supérieure;

95% à l’achèvement de l’immeuble ».

Cet alinéa indique donc pour sa part « en aucun cas », et pas « sauf disposition contraire » ou « sauf cas spécifique ».

La rédaction de ces alinéas nous porte donc à conclure que les règles y fixées doivent impérativement être respectées cumulativement.

En d’autres termes, les factures émises à l’adresse des acquéreurs dans le cadre d’une VEFA doivent à tout moment correspondre aux travaux effectivement réalisés, sans en plus de cela pouvoir dépasser les limites en pourcentage posées par l’article 1601-9 alinéa 4 du Code civil.

Ainsi, dans l’hypothèse (peut-être fantaisiste, mais qui aura valeur d’exemple) où l’achèvement des fondations (sauf celles des garages et dépendances) correspondrait à la réalisation de 20% du volume total des travaux à effectuer pour achever l’immeuble, bien que le susdit article 1601-9 alinéa 3 permettrait, si lu individuellement, d’émettre une facture correspondant à 20% du prix de vente, une telle facturation reste prohibée alors que l’alinéa 4 précise que la limite de facturation pour ces travaux est dans tous les cas de 15% du prix total de vente des constructions, même si ceux-ci devaient en réalité représenter un pourcentage plus élevé dans l’ensemble des travaux de construction à réaliser.

La même chose vaudra à l’achèvement de la dalle supérieure : même si alors 60% des travaux devaient à ce moment être achevés, seuls 50% du prix des constructions vendues pourrait être légalement facturé aux acquéreurs.

Le raisonnement inverse, peut-être encore plus important car il semble que peu de promoteurs et notaires y prêtent attention, vaut également.

En effet, pour reprendre un exemple, si le contrat de VEFA prévoit que 50% du prix des constructions sera facturé à l’achèvement de la dalle supérieure (conformité avec l’article 1601-9 alinéa 4), mais qu’en réalité avec l’achèvement de cette dalle ce n’est qu’un volume de 40% de l’ensemble des travaux de construction de l’immeuble qui sont réalisés, facturer les constructions à hauteur de 50% contreviendrait aux dispositions impératives de l’article 1601-9 alinéa 3 du Code civil.

Or, nous constatons en pratique que cet aspect est très souvent ignoré dans les actes VEFA, et ce même par les promoteurs qui tentent de s’astreindre à respecter la loi en ne facturant les tranches qu’après leur réalisation.

Si cela est un bon début, ce n’est comme nous l’avons montré ci-avant, pas toujours suffisant si les tranches prévues dans les actes VEFA ne correspondent pas à la réalité des faits.

Bien souvent tel est pourtant le cas alors que les rédacteurs d’actes VEFA en s’inspirant des limites de l’article 1601-9 alinéa 4 qu’ils viennent juste détailler oublient de s’assurer que les tranches prévues correspondent à la réalité matérielle des faits sur le plan technique.

Ceci est d’autant plus vrai alors que les actes VEFA suivent généralement les limites posées par le Code civil mais qui ne sont plus vraiment adaptées aux techniques de construction actuelles.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction (la « Loi de 1976 »), les méthodes constructives ont connu une avancée considérable.

Ainsi, le gros-œuvre d’un immeuble pouvait à cette époque généralement représenter une part plus importante dans les travaux à réaliser alors que les techniques spéciales par exemple représentaient de leur côté une part bien moindre. Les choses ont toutefois beaucoup changé. Si un « lifting » de l’article 1601-9 du Code civil pourrait s’avérer utile, notamment pour des questions de cash-flow au sein des sociétés de promotion, il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, obligation est faite aux professionnels de composer avec les seuils en vigueur.

Par conséquent, alors qu’il sera difficile d’atteindre l’absolue perfection en termes de facturation des travaux effectivement réalisés, le degré d’achèvement pouvant toujours donner lieu à débats techniques, il n’en reste pas moins que de trop grands écarts par rapport à la réalité devraient être définitivement proscrits, alors que le risque qu’ils soient sanctionnés par les juridictions répressives existe.

Nous ne rappellerons jamais assez que l’article VII alinéa 1er de la Loi de 1976, article non repris dans le Code civil mais bien en vigueur, prévoit que :

« Toute personne qui aura exigé ou accepté un versement en violation des dispositions des articles 1601-9, 1601-10 et 1601-13 du code civil en cas de vente régie par l’art. 1601-4 sera punie d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de [251.- à 2.500.- euros] ou de l’une de ces peines seulement ».

Si la sanction pécuniaire prévue par cet article n’est pas la plus dissuasive, il n’en reste pas moins que toute société et ses dirigeants normalement prudents voudront éviter toute condamnation pénale avec les suites qu’une telle condamnation pourrait impliquer.

Ainsi, l’importance de se faire conseiller juridiquement mais aussi techniquement lors de la rédaction des actes VEFA et de l’établissement des tranches de paiement y établies ne saurait faire de doute.

S’il n’existe pas au Grand-duché de norme contraignante permettant de déterminer le pourcentage représenter par les différents types de travaux dans le volume total des travaux à réaliser en vue d’achever un immeuble, il peut toutefois être possible de se baser, en concertation avec des experts dans le domaines, sur des normes étrangères telles que par exemple la norme « Baukosten Gebäude Neubau, Statistische Kostenkennwerte » allemande de BKI Kostenplanung, et ce pour s’assurer que les tranches de paiement dans les actes VEFA reflètent au mieux la réalité et soient en conformité avec l’article 1601-9 alinéa 3.

Si cela peut apparaître comme une contrainte supplémentaire, n’oublions pas que devant les juridictions pénales, les arguments tels que « Mais nous avons toujours fait comme ça », « tout le monde fait comme ça à Luxembourg » et « Il serait compliqué de faire autrement », ne sauvent en général personne.


Par Me Vanessa LOMORO, Counsel – Avocat à la Cour, DSM Avocats à la Cour.